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fit venir de Marseille, et plus tard d’Aix en Provence, tout cela jusqu’en 1802, où l’on parvint à doter Sainte-Marie même d’une fabrique en rouge turc, qui servit de modèle à un grand nombre d’autres. Ainsi fut fixée sur les lieux, avec un succès qui depuis lors ne s’est plus démenti, cette couleur éclatante si goûtée des habitans de la campagne, qui désormais allait, servir de cachet aux articles que l’on a nommés de Sainte-Marie et qui sous divers noms se répandirent d’abord, dans la localité, puis dans les environs. De là vinrent les siamoises, qui eurent la vogue si longtemps, ensuite les madras, mouchoirs de couleur sortis en 1818 de Riibeauvillé, surtout une série de tissus façonnés et d’étoffes plus fines en filés teints ou façonnés, dites guinghams, enfin des jaconas, des cravates et d’autres articles qui durent leur succès à la finesse des tissus, au bon goût des dessins et à l’éclat des couleurs. Chaque année, Sainte-Marie renouvelait ces assortimens délicats et ménageait à nos étalages de nouvelles surprises.

Jusque-là pourtant elle avait employé comme matière de ses tissus le coton pur, qui depuis, comme on a pu le voir, n’a été maintenu que pour un certain nombre d’articles, entre autres le madras, qui se fait également à Rouen, en Suisse et en Angleterre, dans des conditions inférieures et pour l’exportation ; mais à partir de 1840 Sainte-Marie allait pousser sa fortune plus loin et renouveler son genre en associant le coton à d’autres matières. Ce fut par la laine qu’elle commença ; les laines longues peignées ou cardées entrent aujourd’hui pour les deux tiers dans l’emploi des matières premières, surtout en dernier lieu, où il s’est fait beaucoup de tissus en chaîne et trame laine. De là est née une variété considérable de tissus fantaisie pour robes, jupons, meubles, etc. Les genres produits par cette fabrication sans rivale pour la beauté des couleurs varient depuis les tissus unis en popelines jusqu’aux étoffes croisées, armurées, et l’enluminage passe des teintes unies jusqu’aux dessins les plus divers, carreaux écossais, rayures, ramages et bouquets imprimés sur chaîne ou tissés à la Jacquard. Dans tout cela est intervenu le mélange de la soie à la laine et au coton pour y produire des effets combinés et des degrés de proportions qui éblouissent et charment les yeux.

Dans ces nouvelles conditions, la colonie fondée par M. Reber est devenue un centre considérable de production et pour sa part un des arbitres de la mode et du goût. Aux derniers recensemens, elle comptait un groupe de trente-cinq manufactures et une banlieue qui s’étendait à plus de 10 lieues par le travail des communes environnantes jusqu’à Saint-Dié et Ribeauvillé. Cette banlieue est la conséquence du maintien d’un travail à bras que longtemps on a cru