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examiner, où les trouvera-t-on ? Quant aux jurys mixtes, c’est-à-dire composés de professeurs de l’état et de professeurs d’écoles libres en égale proportions, il faudra, pour donner complète satisfaction au principe, que ces jurys examinent les élèves de toutes les écoles, écoles de l’état et écoles libres ; alors que deviendra le niveau des études devant cette complaisance réciproque des professeurs intéressés de part et d’autre au succès de leurs élèves ? On peut le demander à la Belgique, qui a fait l’expérience de ces jurys mixtes. Devant les tristes conséquences de ce système, il n’y a qu’une voix dans l’opinion publique et dans les conseils du gouvernement pour réclamer la réforme d’un pareil régime. L’abaissement du niveau des examens, la désorganisation et la décadence des études : voilà ce qu’il a produit chez nos voisins. Moins désastreux serait encore le partage du privilège de conférer les grades entre les facultés de l’état et les facultés libres. Au moins les jurys universitaires essaieraient de maintenir le niveau des examens, et par suite des études, au sein des écoles de l’état, sauf à voir déserter les élèves faibles ou paresseux, qui ne manqueront point de se précipiter vers les jurys des facultés ou universités libres, plus ou moins empressées d’offrir une retraite à leur paresse ou à leur incapacité, en sorte que, quoi qu’on fasse, on ne pourra éviter les conséquences d’un système qui n’a de séduisant que le principe, et dont les familles sérieuses sentiront trop tôt la funeste influence.


V

La question de la liberté de l’enseignement supérieur, comme toutes les autres questions de liberté, doit être traitée par elle-même dans son principe et dans les conséquences générales qu’elle peut avoir, selon la solution donnée, pour l’avenir de l’instruction publique dans notre pays. La liberté est une de ces choses qui valent par elles-mêmes, et qu’on ne doit point mêler à des considérations d’un ordre secondaire et d’un intérêt tout spécial. Quand donc un orateur écouté, M. Paul Bert, est venu proposer à la tribune de lier les deux questions de la liberté de l’enseignement supérieur et de la réforme de cet enseignement dans l’Université, insistant avec une grande force de logique sur l’étroite connexité de ces choses, et subordonnant son vote sur le principe à l’adoption par l’assemblée d’un ensemble de réformes dont il a tracé le programme, il y avait là, selon nous, une excessive préoccupation qui tendait à déplacer la question et à compliquer le problème que le projet de loi avait pour objet de résoudre. Quelque opinion que l’on puisse avoir sur la nécessité et l’opportunité d’une réforme de l’enseignement supérieur universitaire, il semble que le parlement ne