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ainsi qu’en Allemagne elle va de progrès en progrès. En France, pour arriver au même but, il faut suivre un chemin un peu différent.

Rendre la vie avant tout à nos facultés de province par le nombre et l’ardeur des auditeurs, quelle qu’en soit la qualité : voilà le premier résultat à obtenir, qu’on manquerait infailliblement, si l’on se confiait trop exclusivement aux méthodes allemandes, mais qu’il ne faut chercher que par un enseignement sérieux et tout à fait conforme à sa destination, car, si ce succès n’était dû qu’au prestige de la parole, il vaudrait mieux fermer nos cours et en renvoyer le public frivole aux conférences et autres exercices de la parole. Il ne faut pas se dissimuler que notre société française, dans la plupart des centres de population où sont placées nos académies, n’offre pas les mêmes ressources en ce genre que dans les villes allemandes. Là, ce n’est pas le chiffre de la population qui fait le succès d’une université, c’est le mérite et la renommée de ses professeurs : on y accourt de toutes parts, si modeste que soit la localité. Rien de pareil en France ; l’on ne vient jamais du dehors aux cours qui ont de la réputation, et c’est à peine si, même dans les centres les plus populeux, l’enseignement supérieur peut recruter un auditoire sérieux et permanent parmi les hommes d’élite d’une ville comme Lyon, Marseille, Toulouse ou Bordeaux. Comment y attirer un public toujours gaulois sous ce rapport, plus amoureux d’éloquence que curieux de science ? En rendant la science, sinon attrayante, du moins intéressante par les moyens légitimes de succès, et sans jamais perdre de vue les auditeurs peu nombreux, mais très sérieux, qui, de même qu’en Allemagne, suivent les cours, soit pour passer des examens qui leur ouvrent les carrières scientifiques, soit pour acquérir les connaissances qui sont indispensables à l’exercice de certaines professions plus ou moins libérales. Malheureusement le nombre de ces auditeurs d’élite est trop restreint pour que le professeur puisse élever son enseignement à leur hauteur, et c’est là ce qui fait le caractère un peu hybride, qu’on nous passe le mot, de la plupart des cours bien suivis. Il faut le reconnaître, les grandes écoles centrales, comme l’École polytechnique, l’École normale, l’École des chartes, dont nous ne contestons ni l’utilité ni même la nécessité, sont un obstacle au recrutement d’auditeurs sérieux pour l’enseignement des facultés en province. En attirant dans leur sein l’élite des jeunes gens qui vont y recevoir ce haut enseignement que donnent les facultés, elles les privent de leurs meilleurs auditeurs.

Parmi les institutions qui pourraient être empruntées aux universités allemandes, il en est une qui nous semblerait plus particulièrement propre à rendre la vie à l’enseignement supérieur de l’état : c’est le droit pour les jeunes docteurs ou agrégés