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devoir de le faire, il ressort néanmoins des chiffres qui précèdent que le gouvernement de la Cisleithanie a suivi depuis 1867 une marche à la fois hardie et habile, qu’il a rétabli l’équilibre financier, aidé puissamment au développement de la prospérité publique, et que le succès a presque sur tous les points couronné ses efforts.

Si l’on rapproche de cette habile gestion la conduite sage et mesurée que les ministres de l’empereur François-Joseph et les chambres ont tenue dans les questions de politique intérieure, leur esprit de conciliation et de résistance à la fois dans les conflits de nationalité à propos des revendications de la Galicie et de la Bohême, jalouses de la situation de la Hongrie, — si l’on met enfin en regard de la violence exercée par d’autres gouvernemens dans les affaires religieuses, les plus délicates de toutes, la modération et la fermeté du gouvernement autrichien vis-à-vis de la cour de Rome et du clergé, on ne pourra que donner de justes éloges à l’ensemble des faits qui ont rempli la période dont il s’agit. L’histoire de ces sept dernières années est bonne à présenter comme le gage d’une habile conduite pour l’avenir, et le témoignage d’une force avec laquelle il faut compter dans le présent.


II

La guerre de Prusse, si funeste à l’Autriche, marque au contraire une date heureuse pour la Hongrie : elle lui a rendu l’autonomie, l’indépendance, la vie intérieure libre, elle a fait de Pesth une capitale. La Transleithanie n’est pas toutefois un état véritablement un, entièrement maître de lui au dehors comme au dedans ; mais qu’aurait-elle gagné à devenir un état secondaire, faible par l’étendue, les ressources et la position géographique ? Il vaut mieux pour elle rester une des deux moitiés d’un état de premier ordre, nécessaire à l’équilibre de l’Europe et appelé à jouer un rôle important dans l’histoire de la civilisation universelle. Les sentimens contraires avec lesquels a été accueillie à Vienne et à Pesth l’œuvre du dualisme veulent être rappelés tout d’abord pour expliquer la conduite différente tenue par l’Autriche proprement dite et par la Hongrie, surtout dans l’aménagement de leurs ressources financières. La première, abattue, déchue de son rang, dut faire comme les hommes sages et énergiques, victimes d’une grande catastrophe, c’est-à-dire diminuer les dépenses de luxe, se borner au nécessaire, vivre de peu, ne pas se nourrir d’illusions, en un mot pratiquer les vertus austères et réconfortantes de l’ordre, du travail, de l’économie ; la seconde au contraire, enivrée, comme toute jeunesse heureuse, cédait aux entraînemens de la position nouvelle qu’elle