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laquelle elles furent décidées ; nul plan d’ensemble sagement préparé, délibéré avec sang-froid et en connaissance de cause, n’a présidé à la construction de ces voies de fer dont le nombre s’est triplé en quelques années, et aujourd’hui les résultats n’apportent aucune compensation aux sacrifices considérables que le pays s’est imposés. Quelques chiffres mettront dans son jour cette triste situation.

Les comptes réglés du budget de 1868 se sont élevés en chiffres ronds pour les recettes ordinaires à 280 millions, pour les dépenses à 281 millions ; mais dès l’année suivante les totaux se sont bien accrus. On voit les dépenses atteindre 445 millions et les recettes 437 millions ; en 1870, le déficit dépasse 69 millions ; dans les exercices suivans, il grandit toujours : les comptes de 1871 le portent à 99 millions, ceux de 1872 à 133 millions. Ces chiffres ne comprennent pas, il est vrai, les recettes extraordinaires produites par l’émission de plusieurs emprunts ; mais, comme malgré ces émissions l’insuffisance des ressources annuelles ne s’arrête pas, étant encore pour 1875 évaluée à 67 millions de francs, le premier trait à noter dans cette étude est l’énorme augmentation des dépenses qui, de 1867 à 1874, ont monté de 280 millions de francs à près de 700 millions, tandis que dans cette même année le budget présenté n’évaluait encore les recettes ordinaires qu’à 510 millions. Celui de 1875, soumis aux chambres de Pesth en octobre dernier, ne donne pas un chiffre supérieur à 520 millions. Aussi bien, en portant les regards en avant sur une période de cinq années, le ministre des finances était-il obligé de prévoir un déficit constant, quoique décroissant, qui en 1878 se chiffrerait par un total accumulé de 300 nouveaux millions à joindre à celui qui existait déjà.

Comment les dépenses se sont-elles ainsi accrues ? Comment expliquer cette lenteur comparative dans le progrès des recettes ? Avant tout il y a l’augmentation de la dette spéciale de la Hongrie. Dès 1870, elle avait dû payer le dégrèvement de son sol, c’est-à-dire fournir aux seigneurs dépossédés de leurs droits féodaux des obligations 5 pour 100 remboursables en quarante années par des tirages semestriels, dites Grundentlastungs-fond, en échange des redevances payées par les paysans tenanciers. Ceux-ci furent frappés d’impôts correspondans, au moyen desquels l’état put faire le service des obligations. La délivrance de ces titres se faisant au fur et à mesure des estimations, elle n’est pas encore terminée : de 36 millions de francs en 1869, l’annuité s’est élevée en 1873 à 48 millions. Une opération analogue a été suivie en 1868 pour l’affranchissement de la dîme viticole, redevance payée par les cultivateurs de vignobles aux seigneurs propriétaires. Le total de la