Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coupent, s’enchevêtrent et se nuisent. Citons pour exemple significatif de ces combinaisons défectueuses, après les chemins du Nord-Est et de l’Est-Hongrois, célèbres par les catastrophes de leurs entrepreneurs, la ligne de Zakany-Fiume, qui appartient à l’état et qui devait joindre la Drave à la mer Adriatique : au beau milieu, à Agram, elle est interrompue jusqu’à Carlstadt par un tronçon qui en est le prolongement direct, mais qui appartenait à la Sud-Bahn, et que l’état n’a pas racheté.

Cette situation générale des chemins de fer hongrois est grave assurément ; n’y saurait-on apporter de remède ? Nous croyons qu’on en peut trouver un : il faut que le gouvernement renonce à construire un seul kilomètre de chemin pour son propre compte, qu’il transforme, s’il le peut, toutes ces compagnies particulières avec siège à Pesth, état-major ruineux, administration peu intéressée à une exploitation économique, puisque l’état a garanti un minimum de revenu brut ; il faut que le gouvernement les fusionne entre elles et compose quelques groupes bien unis de ces chemins épars et rivaux, au nord-est et à l’est surtout, qu’il ne craigne pas d’appeler à son aide le capital étranger et s’inspire aussi de l’expérience des hommes connus pour leur aptitude dans la construction et l’exploitation des chemins de fer. À ce prix, il pourra peut-être non-seulement arrêter le mal, mais encore trouver dans la vente de ses propres chemins la ressource indispensable pour le remboursement de sa dette flottante ou le gage de nouveaux emprunts. Dans un écrit substantiel sur les Finances de la Hongrie, un publiciste connu par ses travaux d’économie politique en France, aujourd’hui membre du Reichsrath à Pesth, M. Horn, indique, avec la vente des domaines de l’état, la reconstitution des réseaux de chemins de fer comme l’un des moyens les plus efficaces de parer aux déficits croissans. Il y ajoute l’économie dans les dépenses administratives sans peut-être concevoir l’espérance bien vive de la voir appliquée, mais surtout il appelle de tous ses vœux une augmentation des recettes qu’il se refuse cependant de demander à une surcharge nouvelle des impôts[1].

  1. Dans son travail très intéressant, mais peu optimiste, sur le budget de 1874, M. Horn résumait ainsi la situation de la Hongrie. « Les recettes ordinaires de l’exercice courant ne dépassaient pas 141 millions de florins. Les dépenses obligatoires, — dettes commune et spéciale, part dans les dépenses communes, liste civile, subvention à la Croatie, on un mot tout ce qu’un vote annuel du Reichsrath ne peut changer, — s’élevaient à 122 millions 1/2 de florins. Près de 15 millions étaient en outre engagés pour des entreprises en cours. Il ne restait donc plus que 4 millions pour les dépenses ordinaires proprement dites, c’est-à-dire les services de chaque ministère. Or le budget les évaluait à 55 millions 1/2 de florins. » En face d’une situation pareille, et avec la crainte qu’elle ne s’aggrave encore en raison des garanties données aux chemins de fer, on comprend que parmi les hommes dévoués au souvenir du passé l’opinion se répande qu’il faut revenir sur l’œuvre de M. de Beust, et rendre au gouvernement de Vienne l’administration intérieure de la Hongrie, dont le gouvernement de Pesth a fait un si mauvais usage. Inutile d’ajouter que ce n’est point l’opinion de M. Horn.