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III

Des deux états sur lesquels règne aujourd’hui l’héritier de Marie-Thérèse, l’un jouit incontestablement d’une prospérité plus grande que l’autre, d’un crédit plus assuré, nous ne voulons pas dire d’un gouvernement mieux établi, mais certainement d’une administration plus sûre d’elle-même. Toutefois, si, au lieu de rechercher quelle peut être dans l’ensemble la part de l’un et de l’autre, on envisage cet ensemble, on ne pourra s’empêcher de reconnaître que depuis 1867 les résultats du nouveau régime sont favorables, et que dans ces résultats les vertus propres à la Hongrie ont exercé une influence heureuse sur les progrès particuliers et plus grands que l’Autriche a réalisés de son côté. Tout d’abord on ne saurait assez louer le bon sens politique, la rare clairvoyance des véritables intérêts publics, dont la majorité des représentans du pays ont fait preuve et dont l’illustre chef de cette majorité parlementaire, M. Deak, s’est montré le modèle le plus accompli. En demeurant fortement attaché à l’ancienne dynastie, en maintenant l’accord entre les deux parties de l’empire au prix de sacrifices assurément considérables, il a plus fait pour les intérêts européens, pour ceux de la civilisation en général, qu’aucun autre homme d’état de notre temps par des conceptions en apparence plus hardies et des entreprises plus gigantesques. La Hongrie est le chemin par lequel l’Orient et l’Occident peuvent se rencontrer et s’unir ; mais, sans une alliance intime avec l’Autriche, la Hongrie ne subsisterait pas un jour. Cette entente une fois réalisée, on pourrait objecter que le parlement de Pesth n’a pas toujours dans ses débats, dans ses résolutions, fait preuve d’un esprit de conduite suffisant, pas plus que d’une prudence financière dont les besoins actuels démontrent l’urgence. Il faut toutefois reconnaître que la question intérieure, celle de la Croatie, a été réglée de façon à satisfaire les deux parties, et que cet exemple a profité pour diminuer, sinon pour éteindre les revendications de la Galicie et de la Bohême vis-à-vis de l’Autriche. Le libéralisme hongrois a fortifié encore le libéralisme autrichien dans toutes les grandes questions soulevées, notamment en ce qui concerne le concordat heureusement modifié avec la cour de Rome, et dans une sphère moins élevée il n’a pas été sans influence sur la substitution définitive du libre échange au vieux système de la protection. Certes aucun gouvernement ne devait sembler plus propre à subir les influences ultramontaines que celui de Vienne. Nulle part la prohibition n’avait été plus sévèrement appliquée que dans ces duchés allemands fermés longtemps par des douanes