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un anneau laissé autrefois à sa mère par Pythagore lorsque ce sage vint s’instruire en Égypte : sur la turquoise était figuré le nombre sept, symbole de la santé de l’âme et du corps ! Il faut croire que le Lydien comprenait : n’avait-il pas accueilli jadis à sa cour les plus célèbres philosophes de l’Hellade ? puis le moyen d’entendre causer Ladice ou Rhodope sans prendre une forte teinture de pythagorisme ? Cette, doctrine après tout pouvait s’acquérir avec moins de peine que le persan : or, pendant les loisirs du voyage, Nitétis, qui savait déjà le grec et l’égyptien, apprit à parler la langue des Achéménides.

Enfin Cambyse parut ; il portait un vêtement mi-partie d’écarlate et de blanc, brodé d’aigles et de faucons d’argent, un haut-de-chausse de pourpre, des bottes de cuir jaune, autour des hanches un ceinturon d’or, dans lequel était passé un sabre fort court à la poignée et au fourreau constellés de pierreries ; le bandeau bleu et blanc des Achéménides entourait sa tiare. Tout le bas du visage, d’une impassibilité marmoréenne, disparaissait sous une épaisse barbe noire. Les yeux, plus noirs encore que la barbe et les cheveux, brillaient comme des escarboucles. Une large cicatrice sillonnait le front du roi, au grand nez recourbé, à la lèvre mince et serrée. Une force et un orgueil vraiment divins transfiguraient le fils de Cyrus. Tremblante et subjuguée, l’Égyptienne se demandait si ce n’était point Set ou Ra qui se dressait devant elle. Babylone, la ville aux larges rues, aux maisons de briques élevées, était en liesse. L’immense cité fêtait surtout le doux Bartja, son favori. Ces cris de joie faisaient souffrir Cambyse, jaloux de son jeune frère : Cassandane et Atossa, sa mère et sa sœur, préféraient aussi Bartja. Cambyse s’imagina même qu’il avait un rival dans son frère et l’envoya loin de l’Égyptienne combattre aux frontières de l’empire. Le bon Crésus accompagne Bartja jusqu’aux portes de Babylone ; il l’exhorte éloquemment à conquérir l’ennemi par ses bienfaits plutôt que par ses armes ; il lui enseigne que la guerre est le renversement des lois de la nature, et ajoute entre autres ces paroles, qu’on dirait un écho de quelque congrès de la paix aussi peu assyrien que possible : « Sois doux comme ton père envers les rebelles ; s’ils se sont soulevés, ce n’est point par un vain orgueil, c’est pour le bien le plus précieux de l’homme, la liberté. »

Bien que protégée par Cambyse, Nitétis se sent mal à l’aise dans le monde d’eunuques et de favorites où elle entre. La nuit même de son arrivée elle surprend une conversation du chef des eunuques et de la principale épouse du roi : on ne parle de rien moins que de l’étrangler. Elle trouve plus de sympathie auprès de Cassandane, la veuve vénérée de Cyrus, et d’Atossa, la gentille sœur de Cambyse,