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que l’on voulait jeter dans l’Euphrate, que cet homme, nommé Gaumata, était un mage qui ressemblait extraordinairement à Bartja ; dans le délire de la fièvre, Gaumata parlait de Mandane et des jardins de Babylone. Cambyse ordonne que cette Mandane, une des femmes de Nitétis, soit amenée et confrontée avec l’eunuque Bogès. La malheureuse avoue tout, mais l’eunuque a disparu.

Nitétis cependant avait été abandonnée aux haineuses colères des-femmes et des eunuques du harem. On l’avait enchaînée. Elle apprit la jalousie du roi, la condamnation de Bartja, sut qu’elle serait menée sur un âne par les rues de Babylone : elle se réfugia dans la mort. Sans hésiter, elle prit un subtil poison d’Égypte, puis laissa pour Cambyse une longue lettre d’adieu. De vagues terreurs assaillaient maintenant son esprit ; les épouvantemens de la vie d’outre-tombe se dressaient au fond de sa conscience. Croyant fermement que le salut de l’âme immortelle est lié à la conservation du corps ; elle tremblait à l’idée d’être livrée aux chiens, aux oiseaux de proie de la montagne, selon la coutume des Perses. Elle implorait le bon Osiris et ses quarante-deux assesseurs, élevait ses bras défaillans vers le dieu Ra, qui de ses flèches d’or dispersait les nuages de la vallée de l’Euphrate. En vain Cassandane, Atossa, Cambyse, tous les médecins et tous les mages de la cour, essaient de la rappeler à l’existence. Le roi imprime un long baiser, le premier et le dernier, sur les lèvres de l’agonisante, qui murmure encore son nom. On n’entend que le râle de la jeune fille et la voix basse de Nebenchari, le médecin égyptien, qui récite des versets du Livre des Morts : tout à coup il se penche à l’oreille de la fille du pharaon et lui crie : « Maudis ceux qui ont ravi à tes parens le trône et la vie ! » Elle ne comprend plus, mais répète les paroles du scribe : elle maudit et expire. Alors Nebenchari : « Elle meurt mon alliée ; ce n’est point ma vengeance seule, c’est aussi celle du roi Hophra, qui va rougir les flots du Nil ! »

Nebenchari, l’ennemi implacable d’Amasis, qui l’avait exilé loin de sa patrie, avait dans Phanès un autre allié : l’Athénien venait à la cour de Perse pour se venger d’Amasis. Il trouva bientôt l’occasion de dévoiler à Cambyse le terrible secret d’état qui lui avait valu la haine et la persécution de Psammétik. Quand la momie de Nitétis eut été couchée dans son sarcophage, quand Gaumata eut été condamné à perdre les oreilles, lorsque Cambyse, dont la barbe et les cheveux étaient devenus gris, eut passé les jours de deuil dans la stupeur ou la folie, les grandes chassés des Achéménides recommencèrent, et Phanès put murmurer au carrefour d’un bois : « O roi, Amasis t’a trompé ; Nitétis n’était point sa fille ; Hophra l’avait enfantée. » L’Athénien raconte qu’Amasis, dans un festin où il avait