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les plaines de Péluse. Dans l’autre camp, les mercenaires grecs à la solde de Psammétik égorgent la fille de Phanès, une enfant, mêlent le sang au vin d’un cratère, en boivent à pleines coupes devant le père. L’Athénien, qui a retrouvé le Spartiate Aristomachos, s’élance avec les Perses sur les Égyptiens, qui lâchent pied après une lutte terrible. Memphis est au pouvoir du fils de Cyrus, qui traite avec humanité Ladice et Psammétik. A Saïs, il reçoit un nom égyptien, sacrifie dans le temple de Neith, se fait initier aux mystères de la déesse. L’infortuné n’en est pas moins en proie à la « maladie sacrée : » la raison ne luit plus que de loin en loin dans cet esprit assombri, troublé par d’épouvantables tempêtes ; taciturne et ombrageux, il courbe ou brise toutes les volontés, prend de force sa sœur pour épouse et fait enfin assassiner son frère. Seul, Bartja avait pu tendre l’arc en bois d’ébène du roi d’Ethiopie ; Cambyse exaspéré envoya après lui un grand de sa cour, qui l’atteignit à Saïs, chez Rhodope, avant qu’il eût passé en Perse. Prexaspès feignit d’avoir un ordre du roi commandant à Bartja d’aller acheter des chameaux pour l’expédition d’Ethiopie ; il l’amena au désert, le poignarda et l’enfouit dans le sable, sous les flots de la mer Erythrée. Cambyse avait ordonné ce meurtre, comme tant d’autres, dans l’état de manie furieuse qui précède et suit les accès d’épilepsie. Plus à plaindre que l’aliéné ordinaire, l’épileptique passe de la folie à la lucidité pour retomber dans le délire ; alors il recule de honte ou d’horreur devant les crimes qu’il a commis ou fait commettre sans en avoir conscience. Courriers sur courriers partirent pour arrêter Prexaspès, ramener Bartja, s’il était temps encore : ce ne fut pas Bartja, ce fut Prexaspès qui reparut devant Cambyse. Alors le roi poussa un grand cri, se rongea les poings et ne voulut pas croire que son frère n’était plus. Les désastres des Perses en Ethiopie, l’immense ensevelissement de ses armées sous les sables du désert, le soulèvement des provinces de l’empire, l’usurpation des mages à Babylone, qui essaient de proclamer roi le faux Bartja, furent autant de coups de tonnerre qui foudroyèrent sa raison. Le maniaque tomba en démence : il se rua, l’épée haute, sur l’Apis des Égyptiens, il fit souffrir ou tuer tout ce qui l’approcha ; il s’acharna sur la momie d’Amasis, la déchira à coups de croc, la jeta aux flammes ! Enfin il se blessa mortellement en s’élançant, d’un bond furieux, sur son cheval de bataille.

Cambyse mort, les mages massacrés, Darius monta sur le trône de Cyrus. Sappho vécut à la cour de Perse avec Cassandane et Atossa. Phanès ne pouvait se retirer qu’à Crotone, auprès de Pythagore. Quant à l’amie du philosophe, Rhodope, elle refusa de suivre sa petite-fille dans un harem d’Asie. Au fond, le faste et la puissance de l’empire des Achéménides froissaient sa fierté