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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 janvier 1875.

Il faut en convenir, la France a rarement traversé une phase plus ingrate ; rarement elle a vu sa politique à ce point obscurcie et déprimée par l’âpre égoïsme des partis, par un implacable esprit de dispute et de division. L’année commence à peine, et, au lieu de s’éclaircir, de se simplifier, comme on le croyait, comme on l’espérait, nos affaires ne font que se compliquer. Le brouillard, à ce qu’il paraît, est de saison à Versailles encore plus qu’à Paris, et le brouillard de Versailles s’étend sur le pays. On en sortira sans doute, on finira par retrouver son chemin. Pour le moment, la vérité est que nous arrivons à une période particulièrement bizarre de cette crise parlementaire qui dure depuis plus d’un an déjà, qui tient tout en suspens, dévore les ministères, contraint M. le président de la république à prodiguer inutilement les messages, et conduit par degrés l’assemblée aux plus étranges, aux plus tristes aveux d’impuissance. Encore un pas, il y aura un gouvernement sommaire, sans organisation, qui ne sera ni une simple délégation parlementaire, ni une dictature ; il y aura une assemblée qui aura déclaré qu’elle ne peut ou qu’elle ne veut se décider à rien, et il y aura des ministères qui ne sauront plus à quelle majorité se vouer, qui, faute d’une majorité, resteront aux ordres des minorités coalisées pour leur donner ou leur refuser la vie. C’est là au juste la situation telle qu’elle résulte des derniers incidens parlementaires, telle qu’elle peut être définitivement demain, si entre le vote du 6 janvier, qui a précipité la crise, et les prochaines décisions de l’assemblée il n’y a pas un suprême effort de prévoyance et de raison pour ramener les esprits et les volontés à une œuvre pratique de conciliation plus que jamais nécessaire.

La question en effet, aujourd’hui comme hier, est là tout entière dans l’intervention nécessaire, supérieure, de la prévoyance et de la raison, et c’est parce que la question est toujours altérée, dénaturée, qu’on