Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et M. Casimir Perier ? C’est possible, et nous touchons ici à la vraie cause de l’échec du dernier essai de transaction. Le centre droit a trop eu l’air de vouloir tout ménager sans se livrer, de négocier avec la pensée d’attirer, de « s’annexer » une partie du centre gauche, — sans se brouiller pourtant avec la droite. C’est le rôle de don Juan ; mais don Juan ne faisait pas de politique, il n’était pas chargé des affaires d’un pays accablé par le malheur. Don Juan n’avait avec nous d’autre ressemblance que d’être exposé à rencontrer le commandeur levant sur lui son bras de marbre pour l’avertir. Les chefs du centre droit ont assez de prévoyance et de talent pour s’élever au-dessus de cette politique de l’équivoque.

Quant au centre gauche, il aurait pu certainement sans péril voter ce qu’on lui demandait, la priorité de cette loi sur la seconde chambre. Que risquait-il ? Il ne se liait pas, il gardait la liberté de ses résolutions, et par un acte frappant de bonne volonté il aurait contribué peut-être à préparer le terrain où aurait pu se former une majorité pour l’organisation d’un gouvernement dont le chef est toujours après tout le président de la république. Il aurait facilité la reconstitution d’un ministère où il aurait pu entrer, avec la chance d’obtenir quelques garanties de plus pour la politique qu’il représente. Rien n’est plus vrai ; mais c’est là le malheur d’une situation comme celle où nous sommes. Le centre gauche a, lui aussi, ses méfiances, ses ombrages et ses engagement. Disons le mot, il a craint, en votant la priorité pour le sénat, de faire trop le jeu du centre droit, de mettre un instrument de règne à la disposition d’une politique qu’il ne pourrait plus contenir, qui, après avoir obtenu sa chambre haute, abandonnerait en chemin le reste de l’organisation constitutionnelle. A la tactique, il a répondu par la tactique, et de même que le centre droit se croit intéressé à ne point se séparer de la droite, de peur de se mettre à la merci du centre gauche, celui-ci refuse de se séparer de la gauche de peur de rester livré au centre droit, de sorte qu’on revient toujours au même point, tournant dans le même cercle. Et l’on s’étonne que le public ne comprenne pas toujours toutes ces finesses, qu’il ne tienne pas compte des difficultés que les partis se créent souvent à eux-mêmes, qu’il se montre sévère pour ces combinaisons et ces crises dont le dernier résultat peut être de laisser la France sans institutions, sans gouvernement organisé !

Les hommes politiques, pénétrés de leur importance, oublient un peu trop parfois que ce public existe, qu’en échange de sa patience, qu’il ne marchande pas, on lui doit au moins la sécurité, — qu’une assemblée constituante, souveraine, représentant le seul pouvoir debout, est assez mal venue à invoquer comme excuse de son impuissance ce qu’un enfant terrible de la droite appelait l’autre jour « le gâchis ! » Ce mot a été jeté avec désinvolture, il n’a pas été relevé. Le centre droit dit :