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septennat. Son prestige et son ascendant moral ne s’en trouveront pas mieux assurément. Le ministère, quel que soit le talent des hommes qui le composeront, restera fatalement à la merci des minorités qui ont déjà renversé une première fois M. le duc de Broglie, des légitimistes et des bonapartistes, qui seront les seuls triomphateurs, puisque seuls ils ont repoussé jusqu’ici les lois constitutionnelles dans un intérêt qu’ils ne dissimulent même pas. Il faudra vivre sous leur bon plaisir, car leur défection serait le signal de la déroute, comme au 24 mai, comme au mois de juillet, comme au 6 janvier, — et c’est dans ces conditions d’autorité affaiblie ou incertaine qu’on peut se trouver tout à coup en face d’une dissolution précipitée par un déplacement de majorité, par un contingent de quelques voix nouvelles que les élections enverront à l’opposition ! Avant de se décider, qu’on réfléchisse sur les conséquences d’un vote qui ne résoudrait rien, qui ne ferait que livrer l’assemblée, le gouvernement, à l’inconnu, en aggravant le désordre des idées et des esprits dans le vide des institutions.

Ce qu’il y a de plus triste, c’est que tous ces conflits, ces crises, ces agitations, n’ont d’autre effet que de tenir inévitablement en suspens ou de compromettre les intérêts libéraux et nationaux de la France. Ce que nous avons n’est point certainement le vrai régime parlementaire ; il suffit cependant de l’apparence pour que le régime parlementaire souffre d’une déplorable confusion et finisse par être responsable de tant de stériles efforts. Le pays en vient à glisser dans le scepticisme, dans une défiance ironique à l’égard des assemblées ; il n’en est pas là sans doute encore, il peut y venir sous le poids irritant des incertitudes, et à quoi peut profiter ce découragement qu’on s’expose à provoquer ? Qui donc ignore que tout ce qui affaiblit et compromet les institutions libérales ne profite qu’aux autocraties césariennes ? On veut, dit-on, refaire la majorité du 24 mai, gouverner avec elle vigoureusement, c’est le mot, organiser la réaction à défaut de toute autre organisation régulière. C’est en vérité toute la politique des légitimistes. Malheureusement ils oublient, eux et ceux qui seraient disposés à les ménager, que le dernier mot de cette réaction ainsi organisée ne serait probablement pas M. le comte de Chambord, ni la liberté parlementaire. Ce serait une tout autre chose, qui serait sans puissance réduite à elle-même, qui n’a une apparence trompeuse de crédit qu’à la faveur de cette indécision agitée, inquiète, qu’on entretient. Ce qu’il y a de plus grave encore, c’est que tout cela fait perdre à la France un temps précieux, qui est sa fortune, un élément de sa richesse, qui est pour elle un répit dont elle pourrait profiter pour reconstituer sa puissance nationale. Si on l’avait voulu, si on le voulait encore, tout prêterait aux efforts généreux d’une politique de patriotisme désintéressé et dévoué. La France peut compter en Europe des amis et des adversaires, des sympathies plus ou