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de Bilbao, qui était dans ces dispositions. Il savait enfin que les partisans du prince Alphonse étaient partout, même autour de lui.

Toute la question est de savoir si le général Serrano quittait Madrid, il y a quelques jours, tout simplement pour ne point assister à ce qu’il voyait venir et ne croyait pas pouvoir empêcher, ou, si, en allant se mettre à la tête de l’armée du nord, il n’emportait pas la secrète pensée de faire prévaloir une autre combinaison monarchique. Le soupçon d’une arrière-pensée de ce genre a été certainement accrédité à Madrid, et c’est peut-être ce qui a précipité le mouvement alphonsiste. Toujours est-il que ce moment a été choisi. Pendant que Serrano était à Logrono, où il ne pouvait évidemment tenter aucune opération de guerre par un affreux temps d’hiver, le général Martinez Campos allait enlever quelques bataillons de l’armée du centre à Sagonte ; les troupes qu’on envoyait contre lui pour la forme, au lieu de le combattre, se ralliaient à son drapeau, et il entrait à Valence au nom du roi. Aussitôt que ces nouvelles arrivaient à Madrid, le président du conseil, M. Sagasta, avait l’air d’abord de vouloir résister. Il suspendait des journaux, il faisait arrêter quelques-uns des chefs du parti alphonsiste, notamment M. Canovas del Castillo, depuis longtemps reconnu comme le plénipotentiaire du prince. M. Sagasta se hâtait d’appeler le général Serrano à son secours ; mais le ministère était vaincu avant d’avoir pu organiser une résistance quelconque, si tant est qu’il en ait eu l’intention. M. Canovas del Castillo sortait de prison en triomphateur, le général Primo de Rivera prenait la direction militaire du mouvement, et tout était fini pendant la nuit. Avant le jour, un nouveau gouvernement était formé sous le nom de ministère-régence. Il avait naturellement pour chef M. Canovas del Castillo, qui s’associait habilement des personnages de diverses nuances modérées et libérales, le marquis de Molins, homme d’esprit et de savoir, ancien collègue de Narvaez, M. Alejandro Castro, ministre et ambassadeur sous Isabelle, le général Jovellar, commandant en chef de l’armée du centre, un jurisconsulte distingué, M. Francisco Cardenas, et même d’eux hommes qui ont coopéré à la révolution de 1868, M. Romero Robledo, et l’écrivain dramatique, M. Ayala.

Il restait à savoir ce qui se passerait à l’armée du nord, où était le chef du pouvoir exécutif. Si Serrano a songé à résister, il n’y a pas songé longtemps, soit qu’il ait été peu surpris par l’événement, soit qu’il ait vu tout de suite qu’il ne pourrait pas compter sur ses troupes ; il s’est effacé, il est entré en France par Canfranc, laissant le commandant de l’armée du nord, le général Laserna, libre de suivre ses opinions tout alphonsistes. De son côté, le général Loma, qui commande une division auprès de Saint-Sébastien, n’a pas tardé à se rallier au mouvement. Bref, de tous les chefs militaires, de toutes les villes d’Espagne, les adhésions sont arrivées à Madrid. La restauration était faite