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par un pronunciamiento militaire comme toutes les révolutions espagnoles, et c’est là toujours sans doute une origine équivoque. La dernière révolution a cependant jusqu’ici ce caractère exceptionnel qu’elle s’est accomplie sans combat, avec une apparence de spontanéité ou de soumission assez frappante, et s’il y a quelque chose d’étrange, c’est de voir les carlistes ou les défenseurs des carlistes traiter aujourd’hui avec un dédain superbe les pronunciamientos militaires. Que font-ils donc eux-mêmes ? Que fait don Carlos depuis trois ans ? Il livre à la guerre civile les plus florissantes provinces sans avoir pu même profiter de la dissolution où est tombée un moment l’Espagne. Le prince Alphonse du moins ne doit pas sa couronne aux collisions sanglantes de la guerre civile.

Le nouveau roi arrive sans doute aujourd’hui à Madrid. Il n’y a rien à exagérer, Alphonse XII est un adolescent, on ne peut pas lui demander la maturité. Il ne manque, dit-on, ni de bonne grâce, ni de finesse. Élevé en France et en Angleterre, un peu aussi à Vienne, il a subi l’influence de la vie européenne. Il a pour lui d’arriver dans un pays fatigué qui ne demandera que la paix et la sécurité à la monarchie nouvelle, après six années de convulsions stériles. D’un autre côté, son avènement ne peut qu’être vu avec faveur par l’Europe. Il ne faut pas se le dissimuler cependant, les difficultés sont étrangement graves pour cette royauté restaurée, et n’y eût-il que les finances, le nouveau ministre, qui a déjà été au gouvernement avec O’Donnell, M. Pedro Salaverria, a une rude besogne. Il y a bien d’autres choses à faire pour le gouvernement qui s’inaugure : il y a l’ordre à rétablir partout, l’île de Cuba à pacifier, et avant tout la guerre civile du nord à terminer. Que les carlistes cherchent à dissimuler par leurs jactances ou même par quelques tentatives plus ou moins hardies le coup que leur porte le rétablissement de la monarchie, ils sont dans leur rôle. Don Carlos peut dire qu’il trouvera le chemin de Madrid, où il ne s’est guère avancé, même quand ce chemin était presque tout ouvert. Il n’est pas moins vraisemblable que l’influence de la restauration se fera sentir dans les provinces du nord, où la royauté d’Isabelle II n’était nullement impopulaire, et jusque dans l’armée du prétendant, où s’étaient réfugiés depuis ces dernières années nombre, d’officiers de l’armée régulière. Dans tous les cas, la première condition est d’en finir avec cette guerre dévorante, de hâter la pacification par l’ascendant de la monarchie nouvelle, par la diplomatie ou par les armes, et ce n’est pas une œuvre facile ; tout dépend de la direction que prendra la politique espagnole.

Cette royauté renaissante, comme la royauté d’Isabelle II à l’origine, a l’heureuse fortune d’être à la fois légitime par les traditions, par le droit, et nécessairement libérale par les circonstances. Le libéralisme est son bouclier, sa force et pour ainsi dire sa raison d’être contre le