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concerts pu à leurs soirées dramatiques ; mais ces gens-là sont ordinairement de pauvres diables sur l’exemple desquels il semble qu’on ne devrait pas régler le cérémonial d’un gala.

Ces récriminations, je le répète, n’atteignaient point le directeur de l’Opéra ; cependant cette immunité ne sera pas de longue durée, et nous verrons bientôt le public se mêler aussi de ses affaires. Les curieux, race importune et foisonnante, viendront s’enquérir de ce qui se passe sous ses lambris dorés, on lui dira : Que préparez-vous ? Un ballet ? Sylvia, quelque chose comme le tableau d’Endymion et Diane, une mythologie en deux actes dont M. Léo Delibes écrit la musique, et dont l’idée première serait due à l’inspiration d’un jeune et brillant financier qui, pour lier commerce avec la muse, attendait d’avoir fait sa fortune, ce qui prouverait qu’il est au moins un homme d’esprit ! Un ballet ! c’est à merveille, il y a des siècles que cela ne s’était vu à l’Opéra, et, puisque l’occasion s’offre à point nommé sans aucun doute, vous en profiterez pour renouveler un peu le personnel. Et puis après ? Quels engagemens sont en train de se conclure ? quels ouvrages sont à l’étude, anciens ou nouveaux ? Mlle Krauss ne peut suffire à tout ; un talent de cet ordre ne s’exerce avantageusement qu’en la compagnie de ses égaux. Vous avez déjà M. Faure, il vous faut un ténor, ayez Nicolini, obtenez de Mme Devriès qu’elle remonte sur les planches ; que tout cela ne vous empêche pas de guetter le moment où la Waldmann sera libre, et vous aurez alors une troupe comme M. Perrin n’en a jamais eu. On remarquera que c’est le public qui parle ainsi ; nous serions, nous, moins exigeant, et nous passerions volontiers à l’ordre du jour, à cette condition absolue qu’on nous garantirait le fonctionnement immédiat du répertoire. Pour la Krauss, chanter tour à tour dans la semaine Alice, dona Anna ou Valentine, n’est pas une fatigue plus grande que de chanter trois fois la Juive coup sur coup, et nous ne comprendrions guère un système d’administration qui consisterait à traîner en longueur la mise en scène de Robert le Diable, de Don Juan ou des Huguenots sous prétexte « qu’on fait de l’argent » rien qu’en montrant la nouvelle salle.

Nous voudrions également inviter notre Académie nationale à supprimer un abus qui paraîtrait tendre à s’éterniser. Ainsi M. Faure ne peut chanter un seul soir sans que l’affiche porte en lettres majuscules cet avertissement : « pour les représentations de M. Faure. » Tantôt c’est son prochain départ que l’on carillonne trois mois à l’avance, tantôt c’est son retour, et de janvier à décembre il semble que l’Opéra n’ait d’autre saint à fêter que celui-là. Ce sont là des habitudes de province, désormais inadmissibles ; M. Faure chante à l’Opéra au même titre que ses camarades. Il est meilleur, qu’on le paie davantage, qu’on l’appelle entre soi le prince des barytons, rien de mieux ; mais ce n’est point une raison pour que son nom règne ainsi despotiquement sur l’affiche. Devant le public, tous sont égaux ; à cette condition seulement