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l’école du mal, et promis en naissant à la prison et au gibet. Ceux d’entre eux qui ont encore leurs parens ne reçoivent de ceux-ci que les plus tristes leçons et les plus mauvais traitemens. Au début, par des soins délicats, attentifs, par une instruction prudemment donnée, on aurait pu sauver, moraliser ces petits êtres ; il ne sera plus temps quand l’enfant sera devenu homme, et que, criminel endurci, il aura fermé son cœur à tout appel au bien et jeté insolemment sa vie pour enjeu dans la guerre sans pitié ni trêve qu’il a déclarée à la société. Ce qu’il faut donc chercher par tous les moyens, c’est d’atteindre et de corriger l’enfance vagabonde et vicieuse, puisque c’est dans ce jeune troupeau, incessamment renouvelé, que se recrutent ceux qui seront demain des hommes de désordre et de pillage, les voleurs, les assassins.

Frappées de ces écœurantes misères, les diverses municipalités, tant en Europe qu’en Amérique, ont imaginé d’établir des asiles, des maisons de correction, des work-houses, des écoles industrielles, où l’on a essayé d’amender les enfans corrompus. A part quelques tentatives heureuses, comme cette colonie de Mettray fondée par M. Demetz, les résultats ont été en général négatifs. On ne s’est pas adressé surtout au cœur, on n’a pas su faire vibrer habilement dans ces âmes encore si mobiles, si plastiques, l’amour-propre, l’émulation, l’intérêt. On les a prises, on les a attaquées en masse, on n’a pas isolé de l’ensemble l’individu, qui, dans ces établissemens centralisés, autoritaires, n’a jamais été qu’un numéro abstrait soumis à la rude discipline de la maison, et l’enfant, prenant en haine ce que l’on ne faisait que pour son bien, est resté rebelle à toutes les leçons. Si l’on eût respecté dans cet intéressant élève l’indépendance qui lui est si chère, si l’on eût tenté de lui fournir, après une espèce de noviciat, les moyens de gagner sa vie, surtout au grand air, en plein soleil, chose qu’il affectionne, en un mot si on lui eût donné la faculté de se créer aux champs une existence libre, aisée et pure, on en eût fait certainement un meilleur et plus utile citoyen, tout en débarrassant la ville d’un habitant naguère dangereux et qui aurait pu le redevenir.

Tout cela, une société libre de secours pour les enfans des rues, la Children’s aid society, l’a tenté heureusement à New-York, et a peu à peu réussi au-delà de toute attente. Dans divers voyages que nous avons faits aux États-Unis entre les années 1868 et 1874, il nous a été donné de la voir à l’œuvre et de constater les résultats de la philanthropique et généreuse campagne qu’elle a si patiemment entreprise. N’en appelant qu’à des efforts privés, et répudiant les sévères mesures imaginées par la municipalité pour l’amélioration de l’enfance abandonnée ou fautive, elle a sauvé, elle sauve