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« l’empereur est tout, et l’empire n’est rien ! » C’était vrai, c’est la tradition du libéralisme français, de tous ceux qui ont envié, qui prétendent sans doute garder encore le nom de parlementaires, de constitutionnels. Le dernier mot de la politique, serait-il aujourd’hui de nous offrir, comme suprême ressource, un gouvernement personnel, une organisation identifiée avec le chef du pouvoir exécutif, vivant par lui, disparaissant avec lui ?

Qu’on y réfléchisse un instant : ce n’est pas même seulement une question politique, c’est créer à M. le maréchal de Mac-Mahon une situation extraordinaire, dangereuse, qu’il n’a jamais réclamée, dont il serait la première victime. Sans doute il y a eu parfois des circonstances exceptionnelles où un homme ayant autant d’ambition que de gloire et autant de gloire que d’ambition a pu se jeter à travers les institutions de son pays et tenir lieu de tout. Cela s’est vu, il y a des consulats avec des premiers consuls ! M. le maréchal de Mac-Mahon a trop de modestie pour prétendre à de tels rôles. Est-ce qu’il n’a pas été le premier, au moment où la présidence septennale lui a été conférée, à réclamer avec instance des lois constitutionnelles comme complément de son pouvoir ? Il demandait sans nul doute des lois sérieuses, efficaces, en aucune façon des instrumens de règne personnel. La vérité est qu’on croit se débarrasser des questions gênantes en mettant tout sous le nom de M. le président de la république, en personnifiant le gouvernement, les institutions, dans le maréchal, et on en vient à d’étranges résultats. A force de vouloir faire du personnel, on finit par inscrire dans une loi que le maréchal président de la république n’est responsable que dans les cas de haute trahison. Voilà une prévoyance bien placée ! Rien de plus simple, si l’on veut, que cette prescription dans une loi qui s’applique indistinctement au chef de l’état, quel que soit son nom ; mais ici, on le répète à satiété, il s’agit du maréchal, rien que du maréchal, — et vraiment le maréchal doit être profondément reconnaissant à la commission des trente, qui, en prétendant le doter d’une constitution personnelle, a l’obligeance de prévoir qu’il pourrait se rendre coupable de haute trahison. Voilà où l’on en vient. Au fond, les théoriciens de l’expédient personnel et les légitimistes purs qui repoussent tout n’ont visiblement qu’une préoccupation, qu’un but : les uns et les autres veulent évincer ou mettre en interdit la république, et remarquez bien que ni les uns ni les autres n’aboutissent absolument à rien. Quoi qu’il arrive, les lois fussent-elles définitivement repoussées, la république ne subsiste pas moins de fait et de nom, comme elle a existé depuis quatre ans. Seulement elle existe sans garanties, sans institutions, sans un gouvernement défini et suffisamment armé pour sa propre, défense, puisque ce gouvernement ne peut pas même empêcher l’empire, la légitimité, tous les prétendans, de poser chaque jour leur candidature, de surveiller l’héritage qu’ils convoitent. Ce qu’on prétend perpétuer, ce qui est dans le projet