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l’ont précédé quelques-uns des plus jeunes de ses membres, M. d’Haussonville, M. de Ségur, M. Savary. La gauche, quant à elle, a montré, il faut l’avouer, un sérieux esprit politique. Assurément, dans ce qu’elle a voté, il y avait des choses qui ne lui plaisaient pas ; elle ne les a pas moins votées, et elle a contribué ainsi à créer un terrain nouveau où peut se poursuivre avec quelques chances de plus cette campagne des lois constitutionnelles. Ce n’est pas encore une solution, c’est un point de départ, c’est le commencement d’une évolution des partis, et c’est peut-être aussi une préparation à un ministère nouveau venant seconder, presser le dénoûment de ce drame parlementaire, d’où peuvent sortir pour le pays des gages de sécurité par l’organisation définitive des pouvoirs publics ou des anxiétés nouvelles.

Les crises de la politique et même quelquefois de la guerre ont cela de caractéristique dans notre temps, qu’elles interrompent à peine les grandes œuvres de l’industrie destinées à multiplier les relations des peuples. Au milieu du bruit des armes, il y a quelques années, le tunnel du Mont-Cenis s’ouvrait entre l’Italie et la France ; aujourd’hui, pendant qu’on discute encore à Versailles pour savoir quel gouvernement nous aurons, voilà une entreprise nouvelle qui, si elle est couronnée de succès, ne sera pas la moins merveilleuse de toutes les créations contemporaines. Les chemins de fer passent à travers les montagnes, ils vont passer sous les eaux de la mer. Une voie sous-marine va être creusée à travers la Manche reliant la France à l’Angleterre.

Ce n’est pas la première fois qu’on en parle. Jusqu’ici cependant cela ressemblait à une colossale chimère caressée par des imaginations audacieuses. Aujourd’hui l’étude a serré de plus près le problème, l’art des ingénieurs se croit de force à triompher des difficultés. Il y avait plusieurs combinaisons, — l’immersion d’un tube métallique dans la Manche, l’établissement d’un gigantesque viaduc assez élevé pour ne pas gêner le passage des navires, l’emploi de bacs flottans portant les trains de chemins de fer, ou le percement d’un tunnel sous-marin. C’est ce dernier système qui a été adopté. La proposition est faite, l’œuvre est sous la protection d’un comité international présidé par M. Michel Chevalier pour la France, par lord Richard Grosvenor pour l’Angleterre. Le gouvernement français a sanctionné le projet par une concession qui vient d’être soumise à l’assemblée nationale. Que manque-t-il ? L’exécution, — rien de plus, rien de moins que l’exécution, il est vrai ! Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’entreprise ne semble point impossible aux savans hommes de France et d’Angleterre qui vont s’engager dans cette lutte avec le plus redoutable des élémens. M. le ministre des travaux publics, pour un membre d’un cabinet démissionnaire, n’aura pas perdu son temps d’intérim ; M. Caillaux, entre deux crises ministérielles, aura eu la fortune de mettre son nom à une des œuvres les plus