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ans en 1469, et plus d’un ambitieux se flattait d’exercer une influence dominatrice sur un homme aussi jeune. Tommaso Soderini[1], à qui Pierre avait recommandé son fils avant de mourir, et qui comptait bien escompter la reconnaissance de Laurent, convoqua dans le couvent de Sant’ Antonio les principaux d’entre les citoyens attachés au gouvernement des Médicis. Soderini jouissait d’un grand crédit, car il s’était acquitté avec succès de plusieurs ambassades délicates et avait été plus d’une fois gonfalonier. Il triompha de toutes les objections. Deux jours après la mort de Pierre, les délégués de cette réunion allèrent prier Laurent d’accepter la direction de la république et de continuer au profit de Florence les traditions de sa famille, quoiqu’il fût, par son âge, exclu des magistratures.

Laurent trompa bientôt l’espoir de ceux qui avaient cru régner en son nom. En installant partout des amis dévoués, il s’empara de tous les ressorts du gouvernement. Du reste, c’est par les autorités régulièrement instituées qu’il réussit à accroître sa puissance ; c’est par des moyens légaux qu’il restreignit encore la liberté des Florentins. On ne tarda pas à s’apercevoir que l’accès des honneurs était impossible sans son assentiment. Il écarta les citoyens qui par leur crédit, par leurs richesses, par leur parenté, auraient pu devenir trop puissans, ou du moins il leur confia seulement des postes d’apparat ou des dignités secondaires, tandis qu’il élevait aux premiers emplois les hommes sans passé, sans influence, qui lui appartenaient. Soderini lui-même ne trouva point grâce devant ses soupçons et n’occupa pas la haute position qu’il s’était flatté d’obtenir.

Pendant neuf ans, la tranquillité la plus complète justifia les calculs de Laurent. Aucune opposition, aucune velléité d’indépendance chez les Florentins, tandis que dans les autres états de l’Italie, à Gênes, à Ferrare, à Milan, la passion de la liberté avait plus d’une fois abouti à des entreprises révolutionnaires, à des meurtres même ; mais le crime est contagieux et provoque d’autres crimes. Au moment où rien ne semblait moins prochain à Florence qu’une explosion de cet esprit d’insurrection et de vengeance, quelques forcenés avaient résolu déjà la mort de Laurent et celle de son frère Julien.

C’est à Rome que fut ourdie la conjuration des Pazzi (1478). Girolamo Riario, neveu du pape Sixte IV, en fut l’instigateur. Riario, qui trouvait en Laurent un obstacle à ses projets ambitieux sur la Romagne, voulait changer à tout prix le gouvernement de Florence, et ne reculait pas devant l’idée de l’assassinat. Il gagna d’abord

  1. Pierre de Médicis avait eu pour femme Lucrezia Tornabuoni, et Tommaso Soderini avait épousé Dianora Tornabuoni, sœur de Lucrezia. Soderini était par conséquent l’oncle de Laurent.