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Sans doute nous ne prétendons pas que la peinture religieuse n’ait inspiré à Laurent que de l’indifférence ou du dédain, mais ses préoccupations habituelles l’entraînaient ailleurs. En peinture, de même qu’en littérature, c’est à faire revivre l’antiquité qu’il mettait tous ses soins. On peut lui reprocher d’avoir contribué à précipiter l’art aussi bien que les mœurs vers le paganisme, et d’avoir favorisé des tendances qui, raisonnables et fécondes à l’origine, menaçaient de dégénérer et dégénérèrent plus tard en excès condamnables.

Il ne faudrait pas d’ailleurs s’exagérer l’influence de Laurent sur l’école florentine du XVe siècle, ni représenter cette école comme plongée dans l’idolâtrie de l’antiquité. Assurément l’enthousiasme était grand pour les œuvres du génie antique ; mais on ne saurait sans injustice imputer à l’art de cette époque les intentions grossières que révèlent-parfois les œuvres du siècle suivant. Même quand les artistes abordent directement la mythologie, ne donnent-ils pas en général à leurs conceptions une chasteté vraiment chrétienne ? Qu’il y ait eu de temps en temps dans l’amour de l’antiquité et du naturalisme quelques exagérations et quelques écarts, nous ne le contestons pas. Pourquoi par exemple Pollaiuolo, lorsqu’il représente sur une médaille la conjuration des Pazzi, met-il en scène des personnages nus ? Pourquoi Giuliano da San-Gallo mêle-t-il des centaures et des hommes nus aux charmantes arabesques et aux têtes de chérubins dont il orne le tombeau de Francesco Sassetti à Santa-Trinità ? Mais ces abus étaient rares encore, ils n’étaient que les symptômes d’inclinations qu’il eût fallu combattre au lieu d’en favoriser le développement.

Pour avoir une idée complète du mouvement de l’art à l’époque de Laurent, il faudrait aussi parler de la miniature et de la mosaïque. Bartolommeo della Gatta, Attavante, Monte di Giovanni, Zanobi Strozzi, Francesco Rosselli, furent contemporains de Laurent, et rivalisèrent avec Libérale de Vérone, Girolamo de Crémone et les miniaturistes de Sienne. Ce sont des artistes en faveur auprès de Laurent qui s’occupèrent de relever l’art de la mosaïque. Baldovinetti répara les mosaïques du Baptistère. Vers 1490, Gherardo di Giovanni et D. Ghirlandajo firent l’Annonciation qu’on voit au-dessus d’une des portes latérales du Dôme, et ils commencèrent la décoration de la chapelle située derrière le chœur dans la même église. Enfin l’on ne doit pas négliger de remarquer l’essor que prit alors la gravure. Florence avait donné l’exemple. Les écoles voisines allaient développer les ressources de cet art que Marc-Antoine éleva jusqu’à la perfection.

Nous ne savons pas l’impression que produisirent sur Laurent de Médicis les progrès de la gravure, progrès réalisés sous ses yeux ; mais sans doute il n’y resta pas insensible. Dans ses collections