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LE GENERAL
PHILIPPE DE SEGUR
SA VIE ET SON TEMPS

I.
LES ANNEES HEROÏQUES.

Dans la matinée du 9 novembre 1790 (c’est le jour que l’histoire appelle le 18 brumaire), un jeune homme de dix-neuf ans arrivait à pied à la barrière du Maine. Il habitait le village de Chatenay, non loin de Sceaux, et bien souvent, son bâton à la main, il s’en venait ainsi de la campagne à la ville. A peine entré dans Paris, il remarqua une singulière émotion sur tous les visages. Évidemment une journée se préparait. Comme il avait horreur de la révolution et de tout ce qu’elle avait produit jusque-là, l’idée d’un changement quelconque ne pouvait lui déplaire. Saisi d’un vague espoir, il se dirige rapidement vers les Tuileries et trouve les grilles fermées. Des troupes occupaient le jardin. A travers les barreaux, il plonge ses regards dans les longues allées, avide de voir et de comprendre. Il fait le tour de l’enceinte, va d’une entrée à l’autre, arrive enfin à la grille du Pont-Tournant au moment même où elle s’ouvre. Des cavaliers en sortent, manteaux roulés, casque en tête, sabre en main. C’est le 98 régiment de dragons, ils vont à Saint-Cloud sur l’ordre du général qui les a tant de fois conduits à la victoire, et aujourd’hui encore, à l’exaltation martiale qui les anime,