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pire. D’autres canaux, qu’il serait trop long d’énumérer, attestèrent la prévoyante philanthropie des successeurs d’Akbar ; mais, au milieu des convulsions qui précédèrent et suivirent la chute du trône des Mogols, la terre se couvrit de ruines, et les grandes artères qui la fertilisaient cessèrent de lui apporter leurs flots bienfaisans.

En prenant en main l’héritage des Mogols, l’administration anglaise, qui s’étudiait à suivre les traditions de ses prédécesseurs, ne perdit pas de temps pour réparer les canaux que les malheurs des temps avaient mis hors de service. De 1808 à 1822, on rouvrit l’Eastern Jumna canal (canal oriental de la Jamouna), de 150 milles de long, et qui arrose 150,000 acres, le Western Jumna canal (canal occidental de la Jamouna), d’un développement de 445 milles. Ces restaurations n’étaient que les modestes préludes de l’œuvre la plus vaste et la plus utile qui ait honoré le règne séculaire de la compagnie des Indes. Le grand canal du Gange, d’une longueur de 898 milles 1/2, irrigue 1,471,500 acres de terre et protège contre les maux des famines une population de 6 millions d’habitans. La ligne principale ouverte le 7 avril 1854, qui se prolonge sur une distance de 525 milles avec une profondeur maximum de 3 mètres et une largeur maximum de 50 mètres, est presque sans rivale au monde, et dépasse d’un tiers le plus grand canal de navigation des États-Unis. Les efforts de l’administration sous le règne de la compagnie pour créer de nouveaux travaux d’irrigation ne dépassèrent pas les provinces du nord-ouest. Dans le Bengale, on se contenta d’entretenir les digues et levées (embankments) qui protègent la côte contre les inondations de la mer ou des rivières qui s’y déchargent, et de percer quelques canaux de navigation autour de Calcutta. La configuration des terrains dans les présidences de Madras et de Bombay permet généralement de satisfaire les besoins de la terre à l’aide de réservoirs formés en emmagasinant, au moyen de fortes murailles, les eaux des vallées. Ces réservoirs, presque tous établis avant la conquête anglaise, n’exigeaient que de faibles dépenses d’entretien et de réparation, et n’entraînaient pas le gouvernement dans des travaux considérables. Les événemens de l’insurrection éloignèrent pendant un temps l’attention du gouvernement des travaux d’irrigation ; mais ces questions vitales furent violemment remises à l’ordre du jour par les famines de 1861 et de 1866. Une nouvelle famine a désolé le Bengale en 1874 ; mais les nobles et vigoureux efforts du gouvernement anglais ont réussi à conjurer le mal, que les correspondans à sensation des journaux anglais avaient d’ailleurs fortement exagéré.

Dès 1866, le gouvernement de la métropole avait donné carte blanche aux autorités de l’Inde, dans la plus entière acception du mot, pour entreprendre des travaux d’irrigation sur une échelle