Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des deux rivières qui se réunissent à Montereau, l’Yonne est sans contredit la plus importante par l’étendue de son bassin, par le volume de ses flots, comme aussi par les communications fluviales qu’elle dessert. C’est donc par une sorte d’erreur géographique qu’elle ne donne pas son nom au beau fleuve dont elle est la véritable mère. Quoi qu’il en soit, la Seine, notablement grossie par ce que lui verse un puissant affluent, descend vers Paris avec une pente fort modérée, de 15 à 22 centimètres par kilomètre. La largeur entre ses rives est de plus de 100 mètres ; elle n’a plus d’autre défaut qu’une différence trop forte entre le débit d’étiage et celui des crues, défaut dont l’Yonne est seule responsable, car la Haute-Seine, issue de terrains moins accidentés et plus perméables que le Morvan, présente un régime plus régulier. Les mariniers s’en arrangeaient tant bien que mal avant qu’écluses et barrages eussent été inventés. Au contraire, d’une extrémité à l’autre de Paris, sur 12 kilomètres de long à peu près, le fleuve, obstrué par des ponts, resserré entre des quais de maçonnerie, était le plus souvent impraticable aux bateaux. Au-dessous de Paris commence ce que l’on appelle la Basse-Seine ; elle est très sinueuse, comme on sait, à tel point que de Paris à Rouen elle a 240 kilomètres de long tandis que le chemin de fer n’en mesure que 120 ; mais la largeur augmente, le débit d’étiage est assez bien soutenu, les grandes crues, s’écoulant dans un lit plus large, deviennent moins malfaisantes, la pente se réduit à 10 centimètres par kilomètre. Abandonné à lui-même, le fleuve à la fin du siècle dernier était exploité déjà par une batellerie très active, et, si l’on y a entrepris depuis lors de coûteux travaux d’amélioration, c’est qu’il s’agissait d’alimenter la capitale de la France et de mettre la marine en état de lutter contre la concurrence d’un chemin de fer plus rapide et moins détourné. Le pont de Rouen marque l’extrémité amont de la Seine maritime, qui s’étend sur 124 kilomètres de long jusqu’à l’entrée du port du Havre. A l’époque de la navigation à voiles, le voyage de Rouen au Havre était long et périlleux, car un bâtiment de tonnage moyen mettait le plus souvent huit jours, quelquefois quinze ou vingt pour remonter ; la descente demandait encore la moitié de ce temps. Il y existait, entre Villequier et Quillebeuf, des bancs de sable que des navires calant plus de 3 mètres n’auraient osé franchir, même aux époques de vive eau ; de plus, il s’y produisait au moment du flot, par les grandes marées, surtout quand elles étaient accompagnées d’un vent violent, une prodigieuse intumescence, connue sous le nom de barre, dont les marins redoutaient la rencontre. Somme toute, il y a près de 800 kilomètres du sommet du Morvan jusqu’à la Manche, et sur ce long parcours, en dépit des obstacles que la