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Mac-Mahon lui-même aurait paru sensible aux avantages de cette combinaison, il n’aurait nullement tenu pour sa part à être un distributeur de sénatoreries. Dans tous les cas, avec la moindre bonne volonté, avec le moindre effort de prévoyance et de conciliation, il était impossible qu’on ne trouvât pas dans tous ces systèmes, dans toutes ces combinaisons, les élémens d’une solution suffisante, faite pour rallier toutes les opinions sincères.

Il faut dire les choses comme elles sont. Le malheur, le vrai malheur, c’est que dans tout cela il n’y a ni esprit de suite ni direction d’aucune sorte, c’est que depuis quelques jours on a passé le temps à calculer, à s’observer, à essayer des négociations insaisissables et vaines, et on n’a rien fait sérieusement pour préparer une solution que tout devait rendre facile, si on y avait mis un peu de zèle. Ni les chefs de partis ni le gouvernement n’ont été à leur poste, ou, s’ils y ont été, ils n’ont pas joué leur rôle, et lorsque la discussion s’est ouverte au jour fixé, il a suffi d’une simple initiative individuelle pour mettre tout le monde en déroute. Un député de la gauche, M. Pascal ; Duprat, qui n’avait, que nous sachions, aucun mandat spécial, pas même de son parti, est venu proposer l’élection directe du sénat par le suffrage universel, et l’assemblée, sans lutte, sans contestation, a laissé passer un système qui est bon ou mauvais, peu importe, qui avait les préférences de la gauche, c’est possible, — qui dans tous les cas devait avoir pour effet d’aliéner ou de refroidir des alliés nécessaires du centre droit en donnant un prétexte de plus aux mauvais vouloirs, à ceux qui sont toujours prêts à se faire une arme des intérêts conservateurs menacés.

Tout cela s’est fait en quelque sorte d’un tour de main, par surprise, avant que l’assemblée ait eu le temps de se reconnaître. La question s’est trouvée engagée par ce vote embarrassant, peut-être jusqu’à un certain point compromise, et c’est ici que la situation s’est compliquée tout à coup. Le ministère, qui n’a paru en aucune façon dans toutes ces discussions, si ce n’est pour voter contre la proposition Wallon, qui a semblé s’effacer systématiquement, le ministère est intervenu dès le lendemain pour déclarer au nom de M. le président de la république que le vote de la veille enlevait « aux lois constitutionnelles le caractère qu’elles ne sauraient perdre sans compromettre les intérêts conservateurs, » que le gouvernement ne pouvait s’associer aux résolutions qui avaient été prises. Rien de plus légitime sans doute que la préoccupation des intérêts conservateurs ; il n’est pas moins vrai qu’une déclaration de ce genre venant ainsi brusquement sans explication, sans commentaire, sans indication, changeait singulièrement la face des choses, et ressemblait à une satisfaction donnée à tous les ressentimens de la droite. Le coup de théâtre a été complet. La droite s’est hâtée d’applaudir à sa propre victoire ; dès ce moment, elle a paru assez