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indifférente à tout le reste, elle a laissé passer tout ce qu’on a voulu, même un amendement proposé par M. Bardoux dans la louable intention de réparer un peu le mal de la veille, et lorsque le moment est venu de voter sur l’ensemble des dispositions relatives au sénat, la droite s’est retrouvée compacte pour repousser la loi tout entière, qui est ainsi arrêtée en chemin. Une majorité de 23 voix s’est déclarée contre une troisième délibération.

C’était, à vrai dire, la contre-partie du succès de la proposition Wallon, la revanche de tous ceux qui depuis quelques jours se voyaient réduits à subir impatiemment ce qu’ils ne pouvaient empêcher. La situation devenait certes assez grave, elle a été un moment émouvante comme dans toutes les circonstances exceptionnelles où tout peut dépendre d’une résolution improvisée, d’une vivacité de parti. Fallait-il pour cela désespérer de tout et se laisser aller à voter une proposition de dissolution présentée sur l’heure par un des députés radicaux, M. Henri Brisson ? Des membres du centre gauche et même de la gauche ont eu la sagesse de résister à cet entraînement ; ils ont écouté la parole ardente de M. Gambetta, ils lui donnaient peut-être raison sur plus d’un point : ils ne l’ont pas suivi, et par le fait, malgré l’excitation du moment, la demande d’urgence présentée pour la proposition de dissolution a été repoussée. Fallait-il d’un autre côté considérer le vote qui venait de rejeter le sénat électif comme le dernier mot de toutes les tentatives possibles pour la formation d’une seconde chambre ? M. Waddington et M. Vautrain se sont dévoués ; ils se sont mis en frais de combinaisons nouvelles, et de guerre lasse, à 8 heures du soir, l’assemblée a laissé une porte ouverte à la conciliation en renvoyant à la commission des lois constitutionnelles les projets des deux députés du centre gauche, de sorte qu’on en est là. Rien n’est décidé, tout est en suspens, sinon en péril d’un échec définitif, et toutes ces péripéties étranges, dramatiques, ne font que mieux mettre en relief cette incohérence de direction dont s’inquiète justement le pays, qui ne peut qu’affaiblir à ses yeux le crédit des chefs de partis, du gouvernement, de l’assemblée elle-même.

Évidemment c’est un peu la faute de tout le monde, et personne n’a le droit de triompher de ces coups de théâtre ruineux dont le régime parlementaire est le premier à souffrir. Si la gauche, qui a montré depuis un mois un sérieux esprit politique, eût réfléchi un instant, elle ne se serait pas laissé entraîner, elle ne se serait pas précipitée avec tant d’impatience sur cette proposition d’un sénat élu directement par le suffrage universel, comme si elle avait voulu enlever une victoire et faire un acte de prépotence. Avait-elle encore besoin d’être éclairée sur la conduite qu’elle devait tenir ? Elle n’avait qu’à regarder autour d’elle et à voir quels auxiliaires elle rencontrait ; elle aurait vu qu’elle n’allait