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Dumas sans oublier M. Lebrun, dont il a peint avec émotion la verte et sereine vieillesse, et le public de l’Académie s’est retiré sous le charme, bien persuadé que l’esprit n’est point perdu en France, puisqu’il y a encore de ces séances où tout peut être dit et entendu, parce que la première loi est de savoir tout dire et de savoir tout entendre dans un lieu que M. d’Haussonville appelait l’autre jour la « vraie république. » Et vraiment elle a des chances, cette république-là, puisqu’elle n’a pas attendu jusqu’à ce moment pour s’organiser !

Après tout ce qu’elle a perdu, la France a encore un privilège : elle garde heureusement assez de ressources d’esprit et de travail, elle reste assez elle-même pour ne point décourager l’intérêt et les sympathies qui la suivent dans sa vie laborieuse. Vue de près et dans les détails de tous les jours, cette vie incertaine et tourmentée qui nous est faite peut sans doute ressembler à une énigme. On se perd dans ces confusions, dans ce décousu parlementaire, dans ces marches et contre-marches des partis, oubliant souvent le pays pour leurs vaines querelles. De loin, pour les étrangers attentifs et impartiaux, c’est encore, c’est toujours la France, luttant aujourd’hui contre une destinée ingrate après avoir plus d’une fois aidé ceux qui en avaient besoin, se relevant à travers tout par une bonne volonté persévérante et courageuse, restant entre toutes la nation vivace, généreuse et facile. Elle a plus d’amis qu’on ne croît, peut-être parce qu’elle a moins d’envieux, et, pour le moment en vérité, notre diplomatie n’a rien de mieux à faire que d’entretenir ces sentimens favorables, de représenter auprès des peuples cette France toujours vivante, dégagée des incohérences des partis. C’est le rôle qu’a pris notre ambassadeur à Londres, M. le comte de Jarnac, et il le remplit avec autant d’activité que de bonne humeur au milieu de cette société britannique, qui n’est insensible ni aux attentions qu’on a pour elle, ni aux marques d’énergie de ceux qui ne s’abandonnent pas, qui n’ont pas plié sous les plus écrasans fardeaux. M. de Jarnac, il est vrai, est merveilleusement servi par son crédit personnel en Angleterre, par ses relations, par la facilité avec laquelle il parle la langue anglaise, et il a le mérite de ne laisser échapper aucune occasion de resserrer le lien entre les deux pays, de savoir mener de front la diplomatie officielle et la diplomatie des réunions mondaines, des harangues familières. Il y a quelque temps, c’était au banquet du lord-maire qu’il était le leader de la diplomatie étrangère à Londres, qu’il se faisait accueillir avec une cordialité particulière par une assistance où figuraient au premier rang les ministres de la reine. Hier encore c’était à un banquet donné dans l’intérêt de l’hôpital français qu’il reprenait ce rôle de médiateur ingénieux et persuasif entre l’Angleterre et la France.

La modeste fête de charité a été en définitive une réunion des plus brillantes, fructueuse pour les pauvres, bonne pour la politique