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que depuis peu de temps, par le travail assidu de théologiens chrétiens. Jamais recherches ne furent mieux récompensées; grâce à elles, on peut dire que la critique a été remise en possession de l’œuvre originale du dernier prophète d’Israël.

Tomes les personnes qui possèdent une des innombrables éditions de la Vulgate, faites selon la récension de Sixte V, ont remarqué, à la suite des livres sacrés, trois écrits imprimés d’ordinaire avec des caractères différens du reste de la Bible. En tête, on lit cet avertissement, que le concile de Trente les a repoussés du canon, mais qu’on les réimprime néanmoins, ne prorsus intereant, vu qu’ils ont été cités par des pères et qu’on les trouve fréquemment dans les exemplaires manuscrits et imprimés de la Bible. Les deux premiers de ces écrits sont d’un médiocre intérêt. Il n’en est pas de même du troisième, qui porte pour titre Liber quartus Esdrœ. En apparence inintelligible, ce livre est un des plus importans parmi ceux qui peuvent nous révéler l’état troublé de la conscience juive vers l’époque de notre ère. Pour en découvrir le sens, il a fallu près d’un siècle de travail. Le texte grec original en est perdu. Malgré son annexion à la Bible, le texte de la version latine est chargé de fautes; peu d’efforts avant ces derniers temps avaient été tentés pour l’améliorer, et ce livre, tiré à des millions d’exemplaires, attirait si peu l’attention que l’on n’y remarquait pas, au chapitre VIIe, un manque de suite tout à fait choquant, indice certain d’une omission ou d’une suppression, que l’étude des versions orientales devait tout d’abord révéler.

Le premier qui lut le IVe livre d’Esdras autrement que d’un œil distrait fut le savant exégète de Zurich, Henri Corrodi, dans sa belle Histoire du chiliasme (Zurich 1781). Ce grand critique, qu’il faut regarder comme le vrai fondateur de l’étude comparative des apocalypses, entrevit l’interprétation du chapitre d’où résulte la date du livre entier. Il découvrit avec une rare pénétration que l’ouvrage était une apocalypse des dernières années du Ier siècle; mais il se trompa sur quelques détails du symbolisme compliqué sous lequel le visionnaire a enveloppé sa pensée. Gfrœrer embrassa le sentiment de Corrodi, et y ajouta un puissant argument en montrant que l’auteur nous apprend lui-même que le livre a été écrit environ trente ans après la ruine de Jérusalem. M. Ewald s’éloigna peu de cette opinion; mais Zurich semblait prédestiné à être le lieu où le voile des apocalypses devait se déchirer[1]. Un professeur à l’université de cette ville, M. Gustave Volkmar, découvrit enfin vers 1858, non plus la solution approchée, mais le mot même de cette étrange énigme. L’Apocalypse d’Esdras a été composée sous

  1. M. Hitzig, professeur à Zurich, est l’un des trois ou quatre savans qui arrivèrent simultanément à trouver la clé de l’Apocalypse de Jean.