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se hâta d’envoyer Valdez, avec l’élite des troupes espagnoles et une artillerie considérable pour le temps, mettre le siège devant Leyde. La chute de cette place eût coupé l’une de l’autre les provinces révoltées; aussi les deux frères de Guillaume, les comtes Louis et Henri de Nassau, épuisèrent-ils leurs dernières ressources pour réunir en Allemagne des troupes avec lesquelles, vers la fin de l’hiver, ils entrèrent dans les Pays-Bas. Valdez leva le siège, qui durait depuis le mois d’octobre, et marcha au-devant des confédérés : ceux-ci furent battus, et les deux comtes de Nassau périrent dans la déroute. Le 26 mai 1574, Valdez reparaissait devant la place. Malgré les avis de Guillaume, qui savait tout prévoir, même la défaite, les bourgeois de Leyde avaient négligé de mettre cette relâche à profit pour entasser des provisions dans la ville et pour en grossir la garnison. Ce second investissement les prit par surprise. Les attaques de vive force devant Harlem avaient coûté trop cher aux Espagnols; ceux-ci laissèrent voir tout d’abord que leur intention était de réduire la ville par la famine. Au bout de quelques jours, Leyde était entourée de soixante-deux redoutes, toutes bien défendues et bien armées, tandis que la garnison de la place se composait seulement d’un petit corps de francs-tireurs et de cinq compagnies de garde bourgeoise; mais celles-ci étaient commandées par un digne ami de Guillaume, Jean van der Doës, seigneur de Nordwyck, plus connu sous le nom latin de Dousa. Lettré et poète, l’un des premiers latinistes de son temps, Dousa était de ces âmes comme la renaissance en a vu plusieurs, chez qui l’étude de l’antiquité n’avait pas été une simple curiosité d’esprit, mais avait développé tous les nobles instincts d’une heureuse nature, et était devenue comme une forme plus pure et plus exquise de la vertu. Par son indomptable énergie, le bourgmestre Van der Werf méritait de servir d’auxiliaire à Dousa.

Les bourgeois se rappelaient les massacres qui avaient suivi la prise d’Harlem; ils étaient résolus à ne point écouter les offres de l’Espagnol, ils mettaient leur confiance en Dieu, en eux-mêmes et dans le prince d’Orange. Celui-ci, avant que ne se fermassent les dernières barrières, leur avait fait tenir une lettre éloquente et simple qui fut lue en public : ce n’était pas pour eux seulement, leur disait-il, que les citoyens de Leyde allaient combattre, c’était pour tout le pays, pour les générations futures, dont le sort dépendrait de cette lutte. Qu’ils tinssent trois mois, et, avant ce terme, il aurait trouvé moyen de les délivrer. La ville répondit en faisant la promesse qu’on lui demandait. Pendant tout le siège, elle correspondit avec Guillaume par pigeons voyageurs.

Un édit d’amnistie, publié par Requesens en juin, n’eut aucun