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et les rapports de la langue; il témoigna de toute la sympathie, de toute l’estime que la Hollande avait pour l’Allemagne et pour ses grandes écoles savantes; mais il insista sur cette idée, qu’à Leyde on était sur le sol hollandais. Dans cette même réunion, M. Gaston Paris, voulant que le français s’y fît aussi entendre, portait un toast à l’université de Leyde, et rappelait aux étudians que cette organisation, cette vie universitaire qui leur étaient si chères, c’était la France qui en avait fourni le premier type; il leur retraçait en quelques mots l’histoire de l’université de Paris, son organisation que tous les autres pays de l’Europe ont imitée à l’envi.

Le lendemain, lundi 8 février, était le grand jour, l’anniversaire même de la fondation. A dix heures, tous les professeurs de Leyde, tous les délégués étrangers, se réunissaient dans le bâtiment de l’université. En montant l’escalier, nous avons plaisir à regarder des caricatures crayonnées au fusain sur les murs blancs. Elles ont été tracées là, il y a quelques années, par un étudiant; on les a respectées à cause de la verve comique qui s’y déploie. Au-dessus de l’entrée de la salle des examens, l’artiste a dessiné deux étudians qui s’arrachent les cheveux avec cette inscription : Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate. Ailleurs, près de la figure d’un étudiant en goguette, on lit : Tu Marcellus eris. Chez nous, on se serait cru obligé par décence d’effacer toute cette amusante décoration. Ici, il y a plus de bonhomie; les professeurs rient de ces innocentes gaîtés.

On entre dans la salle du sénat. Derrière le rector magnificus, M. A. Heynsius, sont rangés, en robe et en toque noire, tous les professeurs. En face s’assoient les députés des universités étrangères. Les murs de la grande pièce sont tout tapissés de portraits. A la place d’honneur, au-dessus de la haute cheminée, la calme et grave image du Taciturne; le héros semble sourire à ceux qui sont venus de si loin rendre hommage à cette fille de sa pensée qu’il n’a pas vue prospérer et grandir. Tout à l’entour sont figurés les plus célèbres parmi les maîtres qui ont rempli les chaires de l’université. La parole est donnée au pro-recteur, c’est-à-dire au recteur de l’an dernier; dans cette république de savans, chaque professeur exerce à son tour ces fonctions, qui sont annuelles. Point de compétitions ni de brigues; on est sûr d’avoir cet honneur une fois dans sa vie.

M. de Vriès, professeur de langue et de littérature hollandaise, se lève, et non sans émotion salue tous ces hôtes, retrace en quelques mots la naissance et l’histoire de l’université, et devant tous ces grands morts, dont il montre de la main les images, déclare qu’elle entend rester fidèle à ses traditions; il les prend à témoin qu’elle n’a pas dégénéré. A chacun des peuples ici représentés, il