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sénat de préférence dans cet ordre de questions et l’associer jusqu’à un certain point aux actes du gouvernement. Pourquoi en revanche inscrire dans une constitution que Versailles est la résidence officielle des pouvoirs publics ? Une loi spéciale aurait pu suffire. Ce n’était point une affaire d’une si capitale importance.

Oui, évidemment, on peut dire tout cela et bien d’autres choses encore. Les lois constitutionnelles qui ont été votées ne sont rien moins qu’une de ces œuvres de logique correcte et absolue prévoyant tout et suffisant à tout. Telles qu’elles sont, elles ont la valeur d’un acte qui résume une pensée de transaction, qui n’existe que par le concours de ces « hommes modérés de tous les partis, » auxquels M. le président de la république a plus d’une fois déjà fait appel, auxquels il s’adresse encore aujourd’hui après le dernier vote. Ce concours, si souvent mis en doute, si souvent proclamé impossible, il s’est en définitive réalisé malgré des répugnances opiniâtres et des hésitations qui ont eu de la peine à se laisser vaincre ; il a résisté à tout, aux railleries des uns, aux imprécations passionnées des autres, aux suprêmes et mélancoliques protestations de M. de Franclieu, de M. de La Rochette et de M. de Belcastel; il a montré que, lorsqu’on le voulait, on pouvait faire quelque chose même avec les élémens les plus incohérens, même dans l’assemblée la plus divisée, et ces anomalies, qu’il est trop facile de signaler, ne sont après tout que la rançon à peu près inévitable des divergences des partis momentanément alliés dans cette campagne.

Le centre droit a eu ses agitations intimes et ses perplexités, c’est bien visible. Il a commencé par avoir sa part dans cette majorité d’une voix qui a fait triompher la proposition Wallon ; il est revenu aussitôt sur ses pas au moment du vote du sénat électif, puis il a repris sa marche après avoir obtenu les gages qu’il demandait, et, une fois parti, il est allé jusqu’au bout, portant au scrutin un contingent croissant où M. de Broglie, M. Decazes et M. d’Audiffret-Pasquier figurent au premier rang. La gauche et le centre gauche, quant à eux, ont certainement montré un esprit politique et une correction de conduite qui n’ont pas peu contribué au succès. Pour le centre gauche, les concessions n’avaient rien d’embarrassant ; pour la gauche, elles pouvaient être quelquefois plus difficiles, et il n’y aurait qu’à relire des discours d’il y a deux ans pour mesurer les retours que peuvent faire des esprits ardens ramenés par la nécessité des choses aux conditions modestes d’une action pratique. La gauche a pu avoir quelque peine à se décider ; quand elle a eu pris son parti, elle n’a plus hésité, elle n’a pas mordu à l’hameçon de M. Raoul Duval, qui lui présentait de nouveau le sénat avec le suffrage universel. On prétend qu’un des radicaux les plus connus aurait dit avec une certaine amertume : « C’est pourtant dur de voir nos principes soutenus par nos adversaires et battus par nous. » M. Ernest Picard a dit