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des glaciers alpestres[1] semblent avoir attiré de préférence ses observations et ses études spéculatives. C’est à ses essais de grande synthèse physique que se rapportent plus ou moins directement ses traités déjà nombreux sur la chaleur en tant que mode de mouvement, sur l’acoustique, la physique moléculaire dans son rapport avec la chaleur rayonnante, sur la lumière et l’électricité[2]. Comme son ami M. Huxley, il excelle dans la conférence ou la lecture publique, et il aime à porter devant un public très avide de l’entendre les résultats de ses profondes recherches. Tandis que son ami se rattacherait plutôt par ses traits pleins, réguliers, mobiles, à ce type de physionomie que nous serions tentés d’appeler anglo-breton, parce qu’on pourrait, en voyant son portrait, le prendre pour un Français aussi bien que pour un Anglais, M. Tyndall appartient visiblement à la race anglo-saxonne par sa figure énergique, allongée, qui fait penser à la physionomie typique de l’Américain du nord. Tous deux sont doués à un haut degré du talent d’intéresser les auditoires compactes qu’ils entretiennent des sujets les plus ardus. M. Huxley met peut-être plus d’art, de méthode, de suite et de proportion dans ses discours; M. Tyndall semble l’emporter par l’imprévu, l’originalité poétique de la forme, le trait humoristique si goûté en Angleterre. Tous deux se distinguent à leur honneur par la grande modération des jugemens qu’ils portent sur des adversaires qui ne les paient pas toujours de la même monnaie; mais cette modération est consciente de sa force et n’exclut pas ces coups fourrés au moyen desquels une main habile en escrime rend délicatement, mais avec usure, les bottes fournies par son antagoniste[3].

Parmi les nombreux écrits de M. Tyndall, nous prendrons comme exemple le discours d’ouverture qu’il prononça l’an dernier devant l’Association britannique réunie à Belfast, discours qui fit sensation au loin et au large, et dans lequel le professeur entreprit une réhabilitation éloquente des explications dites matérialistes de l’univers. Remontant jusqu’à Démocrite, résumant les systèmes d’Épicure,

  1. En 1859, il gravit le Montanvert à la fin de décembre et put déterminer le mouvement hivernal de la Mer de glace. Les résultats de cette étude sont consignés dans son ouvrage sur les Glaciers, qui fait partie de la Bibliothèque scientifique internationale (Paris, Germer-Baillière).
  2. Tout récemment ses idées sur la constitution de la matière l’ont amené, en fait de signaux nautiques, à des expériences dont l’application en temps de brouillard est appelée à rendre d’éminens services à la navigation près des côtes.
  3. Pour ceux qui aiment les détails intimes sur les hommes de science, nous devons ajouter ce trait, que nous empruntons à une notice biographique sur le professeur Tyndall : « malgré toute sa dévotion pour l’expérience, il n’a pourtant pas encore fait celle du mariage. »