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d’argile plastique. Son autorité comme système cosmogonique est discréditée partout, car on a partout abandonné le sens évident des textes. Ce n’est pas un traité scientifique, c’est un poème. Sous ce dernier aspect, il est d’une impérissable beauté; comme traité scientifique, il a été, il continuera d’être un obstacle et une nuisance. »

Ce sont là des paroles fières, et une théologie vraiment libérale ne devrait pas s’en effaroucher; mais, nous le savons, ce fut longtemps, c’est encore un des thèmes caressés par beaucoup d’âmes pieuses en Angleterre, qu’au chapitre de la géologie et de la cosmogonie l’auteur de la Genèse en remontrerait au président de la Société royale. Il y aurait fort à faire pour les décider à ne voir qu’une belle poésie dans son récit de la création. Il est vrai que la critique moderne distingue deux de ces récits juxtaposés, même assez divergens, et l’on pourrait tout au moins leur demander quel est celui des deux qui doit faire autorité. Malheureusement les mêmes personnes n’ont jamais remarqué la dualité des deux récits et probablement refuseront de la voir, même quand on la leur montrera. Il faut avoir été engagé soi-même dans ce genre de conflit pour se faire une idée de la ténacité opiniâtre avec laquelle des intelligences très ouvertes à tout autre genre de vérité regimbent contre les évidences qui contrarient leurs croyances.

Vis-à-vis de la hiérarchie catholique irlandaise, la défense de M. Tyndall ne fut pas moins vigoureuse. Il remit en lumière un document fort curieux daté de novembre 1873, et qui paraît avoir échappé à l’attention de la presse continentale. C’est un mémoire adressé par soixante-dix étudians de l’université catholique irlandaise au board épiscopal qui la régit. Dans cette remontrance conçue en termes respectueux, mais très fermes, les jeunes gens se plaignaient du programme d’études arrêté pour les cours universitaires, et en particulier de ce que dans la faculté des sciences il n’y avait pas un seul professeur de physique ou de sciences naturelles. Que deviendrons-nous, disaient-ils, vivant au sein d’un monde et dans un siècle dont la science change comme par magie la physionomie et la constitution? Ne sait-on pas que c’est surtout de la physique et des sciences naturelles que partent les plus rudes assauts contre notre religion ? Si l’on ne fonde pas bientôt dans notre université des chaires affectées spécialement à cet ordre de connaissances, beaucoup d’entre nous verront leur foi exposée aux dangers les plus sérieux. La jeunesse irlandaise souffre du sentiment de son infériorité scientifique, et si notre université ne peut lui donner l’instruction dont elle a soif, elle ira la chercher au collège de la Trinité ou aux collèges de la Reine, qui ne comptent pas un seul catholique parmi leurs professeurs de science.