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le même qui abolit le servage des paysans, un ordre privilégié divisé en classes jouissant de l’immunité d’impôt et pouvant seules acquérir des domaines et exercer des droits politiques dans les élections; mais jamais elle n’a formé une aristocratie comme celle de l’Angleterre, d’autant plus qu’il n’y avait chez elle ni majorats, ni fidéicommis. Si des Roumains portant un nom qui figure sur la liste des hospodars prennent quelquefois à l’étranger le titre de princes, cette fantaisie n’est qu’une spéculation de la vanité personnelle sur notre ignorance, à moins qu’ils ne soient bésadés, c’est-à-dire fils de princes ayant régné, car dans ce cas l’usage du pays leur laisse par courtoisie le titre paternel, ainsi que celui de princesses à leurs sœurs germaines. Il n’en existe pas moins en Roumanie une aristocratie historique, composée de familles rapportant leur origine à des personnages qui ont été investis du pouvoir princier, ou qui ont du moins marqué avec suite dans la grande boïarie. Le plus ancien titre de prince remontant jusqu’à la fondation de la principauté de Valachie est celui de Bassarab. Parmi les familles princières encore existantes, les deux principales et les plus répandues sont les Ghika et les Cantacuzène, ainsi que les Rosetti en Moldavie, toutes les trois de la seconde moitié du XVIIe siècle; puis apparaissent au siècle suivant, dans l’hospodarat fanariote, les Rakowitza, les Maurocordato, les Callimaki, les Ypsilanti, les Morousi, les Caradja, les Soutzo, les Mavrogéni, etc. Les plus récens, puisque leur élévation ne date que de la période 1822-1849, sont les princes Stourdza, Bibesco et Stirbey. Il est facile de reconnaître par les noms que la plupart des familles précédentes sont d’origine grecque. Aussi plusieurs sont-elles maintenant à cheval entre la Roumanie et le royaume hellénique. Viennent ensuite des familles de la grande-boïarie, en partie même les plus anciennes et d’autant plus considérées qu’elles sont purement indigènes : ainsi les Vacaresco, du temps des origines de la principauté valaque, les Golesco, les Philippesco, et tant d’autres non titrées, ou pourvues de titres de princes, comtes ou barons qu’elles tiennent de la faveur de cours étrangères, de celles d’Autriche et de Russie surtout. D’après Neigebauer, la boïarie devait comprendre en 1844 dans les deux principautés environ 4,500 familles, sans compter les paysans libres. Le règlement organique avait laissé subsister ses privilèges. Aussi ce groupe, à l’époque où les fortunes y étaient encore moins ravagées par le jeu, les prodigalités excessives ou d’autres folies, avait-il la richesse et l’influence nécessaires pour former le noyau d’une oligarchie solide et durable; mais il souffrait d’incurables divisions qui avaient déjà au commencement du siècle dernier conduit les deux principautés à leur ruine. Ainsi les nouvelles tentatives faites de notre temps pour rétablir le pouvoir de la boïarie en