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forêts, en partie encore inexploitées. Toutes ces terres étant généralement affermées à très bas prix, le maximum que l’état en ait tiré comme produit annuel a été de 19,796,000 francs (en 1872). En outre il doit y avoir maintenant en Roumanie de 650,000 à 700,000 propriétaires fonciers, dont plus de 600,000 paysans. Ces derniers, ne possédant que des lots de 2 à 5 hectares, c’est-à-dire ensemble tout au plus un sixième du territoire, procèdent de deux classes : de celle des cultivateurs, autrefois appelés mochénéni en Valachie et razechi en Moldavie, qui étaient déjà petits propriétaires avant la loi rurale de 1864, et des anciens corvéables (clacachi), alors au nombre de 415,435. Ces derniers obtinrent par cette mesure, moyennant une indemnité dont les termes courent jusqu’à l’année 1880, la propriété des parcelles dont ils n’avaient auparavant que l’usufruit, pour lequel ils devaient au seigneur la prestation d’un nombre déterminé de journées de travail et la dîme en nature.

La petite propriété, quoique très répandue aujourd’hui même en Roumanie, n’y a pourtant encore, on le voit, qu’une médiocre importance. La moyenne propriété, comprenant les biens de 100 à 250 hectares, est assez répandue et prédomine même dans les districts montagneux. Dans la grande propriété, la contenance ordinaire des domaines est de 1,500 à 2,000 hectares ; mais il en est aussi qui embrassent jusqu’à 10,000 et 12,000 hectares appartenant au même particulier. Ainsi la majeure partie du sol est encore le patrimoine des gros propriétaires ou le partage des fermiers du domaine de l’état. Ces rapports agraires, avec la faible densité de la population, imposent naturellement la culture extensive. L’assolement triennal y alterne entre le blé, le maïs et la jachère. Cependant il y a nombre de champs capables de produire la même espèce de grains plusieurs années de suite. Le sol des grands domaines est exploité soit par le propriétaire, soit par des fermiers ; celui des propriétés de moindre étendue est souvent cultivé par un métayer, et le maître de la terre se réserve le prélèvement d’un cinquième ou même d’un tiers des produits. L’aristocratie terrienne n’a pas encore pris assez l’habitude de rester dans ses terres, en Valachie du moins ; elle aime mieux la résidence de Bucharest, quand elle ne préfère pas, dans la belle saison, les voyages et le séjour à Paris, à Vienne, dans les capitales ou les villes d’eau, parmi lesquelles Carlsbad attire en particulier beaucoup de Roumains. Cet absentéisme, outre qu’il entraîne de fortes dépenses, entretient aussi une certaine indifférence pour l’agriculture, bien qu’elle forme l’unique source des revenus de la classe dominante. En Moldavie, il est vrai, la plupart des grands propriétaires, donnant un meilleur exemple, ont depuis longtemps déjà pris le parti de s’établir sur leurs domaines, ce qui avait même contribué à leur faire gagner l’avance