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des mitristes en excluant des chambres provinciales leurs députés nouvellement élus, et substituant les noms de ses partisans à ceux que le peuple de Buenos-Ayres avait désignés.

Avant ces événemens, malgré leurs paroles de menaces, les mitristes n’avaient certes pas résolu de s’opposer par les armes à la prise de possession de la présidence au 12 octobre; mais, disposés jusque-là à s’enfermer dans les limites d’une opposition parlementaire, ils ne voulurent pas accepter l’exclusion de leurs députés, la falsification des urnes consacrée par les pouvoirs publics. La révolution fut donc préparée de longue main et au grand jour, et, pour avoir éclaté le 24 septembre, elle n’en était pas moins prête depuis plusieurs mois. Le parti révolutionnaire comptait en grand nombre dans ses rangs, en même temps que des généraux, des légistes et des hommes d’état; ils avaient délibéré et décidé que la constitution autorisait à repousser par les armes tout gouvernement de fait, et le gouvernement nouveau se donnait lui-même ce titre inconstitutionnel ; il fut donc résolu que le président Sarmiento ne serait pas attaqué, qu’il déposerait le pouvoir en paix, mais que l’on s’opposerait par la force à ce que le pouvoir et le titre de président fussent transmis à son successeur désigné.

Dès lors il s’agissait pour les partisans du général Mitre de coordonner les élémens de la révolution et de montrer quelle était leur importance. Il a fallu la témérité du parti alsiniste pour ne pas vouloir comprendre quel mouvement se préparait, et quelles conséquences graves il allait entraîner pour le crédit et l’avenir du pays, et même pour ne pas s’effrayer du danger qu’il y avait à entrer en lutte avec un ennemi redoutable le jour où, le terrain légal et constitutionnel étant hardiment abandonné, on en viendrait à la lutte à main armée. Le général Mitre, et cela n’était ignoré de personne, pouvait réunir autour de lui tous les généraux de la république disposant de commandemens et en activité de service, et jeter dans la balance le poids de toutes ces épées.

Quelle est en effet la situation de la république au point de vue militaire? Obligée de se garder de tous côtés contre les invasions d’Indiens, la république argentine conserve nécessairement sous les drapeaux un certain nombre de vétérans et quelques généraux ou colonels en activité de service en temps de paix. Les villes voient rarement des troupes, les garnisons n’existent pas, les corps d’armée gardent les frontières. En cas de guerre qui mette en péril le pays, la garde nationale est mobilisée. La seule force armée dont dispose le gouvernement est donc dispersée sur les limites d’un territoire huit fois grand comme la France, et le corps le plus rapproché n’est pas à moins de 75 lieues de la capitale. Le gouvernement néanmoins, pendant