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fixité, une halte dans la république délibérée, acceptée et régularisée. Que restait-il dès lors à faire ? C’était indiqué par les circonstances, par la nature et la marche des choses. Le ministère qui allait se former ne pouvait être que l’expression vivante d’un traité de paix entre des partis divisés par le 24 mai 1873, rapprochés par le vote du 25 février 1875, et décidés à suivre ensemble une politique conservatrice dans les conditions de cette république constitutionnelle qui venait d’être sanctionnée. C’est le ministère que M. Buffet recevait la mission de former le jour où, rappelé des Vosges, il avait à comprimer en lui la plus grande des douleurs pour se remettre aussitôt aux affaires publiques. Engagé depuis longtemps dans le parti conservateur, acquis par raison aux lois constitutionnelles, président de l’assemblée dans les discussions récentes comme au 24 mai 1873, esprit honnête, correct et indépendant, M. Buffet était de toute façon l’homme le mieux fait pour répondre aux exigences diverses d’une situation si complexe, pour dénouer la crise par la formation d’un pouvoir sérieux. Que M. Buffet eût préféré rester président de l’assemblée, qu’il se soit même défendu tout d’abord de la mission qui allait au-devant de lui, qu’il se fût surtout volontiers passé de prendre le ministère de l’intérieur qu’il a fini par être obligé d’accepter avec la vice-présidence du conseil, nous n’en doutons pas ; mais il s’est rendu promptement aux instances de M. le président de la république, et sur-le-champ il s’est mis à l’œuvre, prenant pour point de départ la solution acquise et irrévocable du problème constitutionnel.

La question était de savoir comment M. Buffet entendait la mission délicate qu’il recevait, quelle part il se proposait de faire aux divers élémens dont pouvait se composer un ministère sérieux dans les circonstances présentes. Un seul point semble n’avoir jamais été mis en doute, c’est la nécessité évidente d’un accord avec le centre gauche, plus particulièrement représenté par M. Dufaure et M. Léon Say. C’était le pivot naturel de la seule combinaison possible. Hors de là, tout restait livré à la discussion. Par exemple dans quelle mesure le centre gauche entrerait-il en partage du pouvoir avec le centre droit ? Pouvait-on, devait-on exclure systématiquement la minorité, c’est-à-dire cette fraction modérée de la droite qui, sans avoir voté les lois constitutionnelles, pouvait être disposée à se rallier, à s’incliner devant la légalité nouvelle consacrée par un acte souverain de l’assemblée ? À qui appartiendraient les ministères plus spécialement politiques ? C’est sur tout cela que se sont engagées ces négociations de dix jours qui ont parcouru toutes les phases de la conciliation et de l’aigreur, qui n’ont jamais été plus près de la rupture que lorsque tout semblait arrangé, qui jamais aussi n’ont été plus près du dénoûment définitif que lorsque tout semblait rompu, et dont bien des péripéties après tout restent encore sans doute mystérieuses. Il y a déjà la légende de la crise ministérielle, il y a les bruits,