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de l’économiste, surtout quand nous allons faire voir que dans une autre ville de l’ouest, à Saint-Louis, la vraie rivale de Chicago, on signale un phénomène analogue. C’est une nouvelle métropole qui a non-seulement la prétention de l’emporter sur la précédente et de concentrer un jour dans ses eaux le principal trafic de ces contrées, mais encore de dépasser, elle aussi, New-York.


III. — SAINT-LOUIS.

La France a la première colonisé, sinon découvert la vallée du Mississipi. En 1718, elle jetait les fondemens de la Nouvelle-Orléans vers les embouchures du grand fleuve. Les gigantesques entreprises financières de Law, entées sur les actions de la compagnie du Mississipi, et qui devaient avoir une issue si subite et si malheureuse, eurent au moins l’avantage d’attirer l’attention sur les richesses de l’immense vallée américaine. En 1762, le gouverneur-général de la Louisiane accordait au nom du roi aux sieurs Laclède, Chouteau et consorts, organisés en société pour l’exploitation des fourrures tirées des champs de chasse des Peaux-Rouges, le droit d’établir des postes de troque le long du Mississipi et de ses affluens. Deux ans après, le principal de ces postes était fondé à 5 lieues en aval du point où le Missouri unit ses eaux à celles du Mississipi, et sur la rive droite de ce dernier. Les Français l’appelèrent Saint-Louis. La petite bourgade, presque entièrement peuplée de trappeurs qui couraient pendant l’été les prairies, n’eut pas des débuts bien brillans. Elle ne renfermait que 1,200 habitans en 1803. Cette même année, la Louisiane tout entière fut cédée aux États-Unis par le premier consul, qui avait besoin d’argent, et qui saisit avec empressement cette occasion d’augmenter la puissance d’une nation ennemie de l’Angleterre. Une somme de 60 millions de francs suffit à payer cette vaste province, dont les limites n’étaient pas même tracées, et qui, dépassant la vallée du Mississipi, s’étendait jusqu’à l’Oregon, sur les rivages du Pacifique. Sous les libres institutions américaines, qui laissent tant d’initiative aux colons, Saint-Louis fit des progrès rapides, augmenta bien vite en population. Quand sa charte municipale fut enregistrée en 1822, la ville, tout à fait transformée, comptait déjà 5,000 habitans. Quelques planteurs, quelques marchands, étaient venus s’ajouter aux familles des traitans et des coureurs des bois qui auparavant l’occupaient presque seules. Désormais l’essor de Saint-Louis ne s’arrête plus. En 1850, elle avait 75,000 habitans, en 1860 160,000, et en 1870 310,000, doublant ainsi en population tous les dix ans. En 1873, la chambre de commerce de Saint-Louis inscrivait dans son compte-rendu