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filamenteuses emprisonnant de l’air dans leurs interstices : de là la couleur blanc mat de ces veines aérifères. Vu au microscope, même à un faible grossissement, le tissu de couleur foncée se montre farci de vésicules transparentes (sporanges ou thèques) renfermant chacune de quatre à six grains ellipsoïdes, opaques, hérissés de petits aiguillons serrés, et dont la couleur approchant du noir a fait donner à la truffe comestible par excellence le nom de tuber melanosporum ; ces granules, sur lesquels nous reviendrons, sont en effet les spores ou germes reproducteurs de la truffe. Leur présence seule dans le tissu de cette espèce, leur forme parfaitement définie, leur analogie évidente non-seulement avec les spores des autres espèces de truffes, mais avec celles des genres ou familles de champignons voisins, tout met hors de doute l’autonomie de la truffe comme être caractérisé, ayant sa vie propre, et non comme une pure excroissance d’un végétal supérieur. La composition chimique confirme d’ailleurs ces analogies : au lieu de renfermer, comme les galles, du tannin et de la fécule, la truffe, comme le reste des champignons, est riche en principes azotés, rappelant à beaucoup d’égards les substances animales et donnant par la putréfaction des composés ammoniacaux.

Une autre circonstance intervient pour marquer la différence radicale entre la truffe et les galles : c’est l’indépendance absolue, l’absence complète de connexion entre la truffe adulte et les racines de l’arbre dont on voudrait qu’elle fût une excroissance. En vain M. Valserres affirme-t-il que cette connexion existe. Peut-être a-t-il été trompé par la ressemblance tout extérieure que présente avec une truffe la galle ligneuse produite sur les racines du chêne par le cynips aptera. Cette galle, déjà connue de Réaumur, et qu’on retrouve de temps en temps, est formée de nombreuses loges serrées en une masse mamelonnée, mais n’ayant ni par leur consistance ni par leur structure rien de commun avec les truffes. On conçoit pourtant que des observateurs superficiels s’y soient laissé prendre ; mais une simple coupe suffit pour mettre en pleine lumière la texture ligneuse, la division en cellules de cette galle tubériforme, ainsi que l’adhérence avec la racine nourricière dont elle n’est que l’hypertrophie.

Plus spécieux et plus trompeur pour les novices en histoire naturelle est le rôle que certains insectes ont l’air de jouer dans la genèse de la truffe. C’est sur une fausse interprétation de ce rôle que s’est fondée la théorie dite de la mouche truffigène, annexe obligée de la théorie de la truffe-galle. Ici encore des faits patens, élémentaires, consignés dans les œuvres d’entomologistes de premier ordre, ont depuis longtemps défini les vrais rapports de ces insectes