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le dire. » Il peut bien y avoir aussi un certain esprit de réserve vis-à-vis du ministère qu’on attend à l’œuvre ; mais, c’est le mot de M. Laboulaye, la politique du centre gauche a cet avantage, qu’elle est connue d’avance, « on n’a pas besoin de traiter avec elle. » Le centre gauche a certainement contribué au succès de ce qui existe ; il veut régulariser et affermir ce succès sans le compromettre, et dans tout ce qu’il peut avoir à demander à un ministère où figurent désormais quelques-uns de ses représentans, il n’y a sûrement aucune arrière-pensée, aucune préméditation d’hostilité. Il reste un des élémens essentiels de cette majorité nouvelle dont le premier objet est de maintenir, de fortifier ce « gouvernement du pays par le pays, » que M. le duc d’Audiffret-Pasquier a élevé au-dessus de toutes les confusions ou des dissidences partielles, secondaires des opinions.

Ce qui résulte de tout cela, c’est une situation qui commence en quelque sorte, qui se dégage à peine de sa laborieuse origine, et qui a manifestement encore à se préciser par des actes. Le ministère, nous n’en doutons pas, est le premier à sentir la nécessité de se décider sur certains points, de donner une direction à ceux qui le représentent, de coordonner sa politique. C’est après tout la condition de son autorité et de son crédit le jour où il se retrouvera devant l’assemblée. L’essentiel serait de ne pas ajouter aux difficultés de ce travail par toutes les excitations et les inventions de l’esprit de parti. Le ministère date de quinze jours, il est fondé sur l’alliance de divers groupes d’opinion intéressés à ne pas laisser dépérir l’œuvre commune qui est la garantie du pays, et déjà les impatiences, les récriminations, les défiances, se donnent libre carrière. On se hâte de rechercher tout ce qui peut diviser les hommes, de mettre en suspicion les intentions des uns, de déconsidérer les sacrifices que peuvent faire les autres.

Tantôt c’est M. le vice-président du conseil qui est pris violemment à partie. M. Buffet n’a pas encore licencié la moitié des préfets, il laisse subsister toutes les rigueurs de l’état de siège, il tolère la dissolution des conseils municipaux, il nomme des maires sans tenir compte du vote des populations, il refuse l’autorisation de publier des journaux, il laisse ses agens se moquer de la loi du 25 février et refuser d’inscrire le nom de la république sur les actes officiels ! C’est bien clair, M. Buffet n’est qu’un dangereux représentant de la réaction, qui persiste à favoriser les menées bonapartistes, ou qui veut tout simplement continuer sous une autre formé la politique du 24 mai en s’efforçant d’imposer la solidarité de cette politique à la majorité nouvelle qui l’a élevé au pouvoir. La majorité ne peut se prêter à ces calculs, elle doit demander des comptes à M. Buffet et au besoin le renverser ! — Tantôt ce sont les représentans du centre gauche dans le ministère, M. Dufaure, M. Léon Say, qui se trouvent mis en cause. On leur reproche ce qu’on appelle leur défection, on les accuse de répudier leurs engagemens,