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au ras de ses digues, permettait aux navires fédéraux de s’embosser devant l’isthme de Kenner et d’en commander entièrement le passage. S’il était resté à la Nouvelle-Orléans, Lowell, au bout de peu de jours, aurait donc été obligé de capituler avec tout son monde. Son coup d’œil, sa prudence, le sauvèrent de ce désastre inévitable, et sa prompte retraite assura aux confédérés la possession de Vicksburg. A peine sa résolution fut-elle prise qu’il fit évacuer tout ce qu’on pouvait encore sauver de son matériel ; le chemin de fer seul lui restait, car, au milieu de la panique, les vapeurs qui auraient pu l’aider avaient été brûlés ou emmenés. Ses artilleurs formaient un corps exercé. Aussitôt que l’évacuation fut achevée, il les envoya, avec une brigade composée de ses meilleures troupes, à Vicksburg. Ce sont eux que Farragut trouva, trois semaines après, dans cette position si importante, et qui, en la défendant pendant un mois contre lui, donnèrent à Van Dorn le temps de venir la mettre à l’abri de ses coups.

Cependant la nouvelle du départ des troupes s’est répandue avant même que Lowell ait pris ses premières dispositions de retraite. Elle porte la confusion à son comble : la population entière s’agite dans les rues ; quelques-uns proposent de brûler la ville, pour l’empêcher de tomber aux mains des fédéraux. Une pareille proposition n’a aucun succès ; mais, sous prétexte de priver l’ennemi des ressources que lui offriraient les riches entrepôts de la cité, des milliers de vagabonds les mettent au pillage. La nuit vient bientôt favoriser leurs déprédations, nuit cruelle pour cette malheureuse ville, exposée également aux excès de ses propres habitans et aux attaques d’un ennemi vainqueur.

Celui-ci approchait en effet de plus en plus. Après le dernier combat livré aux canonnières confédérées, Bailey avait remonté, avec le Cayuga, jusqu’à la quarantaine, et, rencontrant là le régiment Chalmette sous le colonel Trymansky, il avait lancé quelques obus dans son camp : les soldats confédérés, qui avaient perdu tout courage, capitulèrent sans faire la moindre résistance. La possession de la quarantaine assurait à Farragut une communication directe avec la mer par un bayou dérivé du Mississipi et praticable à de petits bateaux. Il donna aussitôt avis à Butler d’en profiter et de remonter ce bayou pour débarquer ses troupes au-dessus des forts, afin de les investir entièrement. Laissant ensuite quelques canonnières pour observer les navires ennemis qu’il n’avait pu détruire, et particulièrement le Louisiana, il avait repris sa marche victorieuse. Le 25, vers onze heures du matin, il dépassait le coude d’où l’on découvre pour la première fois la grande cité commerçante qui se développe en croissant sur la rive gauche du fleuve. Peu après il engageait le combat avec les batteries des Chalmettes.