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saint Jérôme, rappelé par le docteur Sullivan, la communauté des femmes et le cannibalisme étaient pratiqués de son temps par deux peuples celtiques de la Grande-Bretagne, les Scoti et les Atticotti[1]. La promiscuité existait aussi dans l’Inde primitive. On lit dans le Mahabharata : « Jadis ce ne fut pas un crime d’être infidèle à son époux, ce fut même un devoir. Cette coutume est observée de nos jours chez les Kourous du septentrion. Les femmes de toutes les classes sont communes sur la terre, comme le sont les vaches, chacune dans sa caste. » En Irlande, à l’époque des brehons, le mariage est en honneur ; mais les relations des sexes sont encore très relâchées. A côté de la femme légitime se trouve la concubine. La femme esclave, cumhal, avait servi jadis de moyen d’échange et de mesure des valeurs comme le bétail ; mais la femme libre jouissait de droits étendus. Les enfans étaient la propriété de la famille, qui pouvait même les vendre d’après le Livre de Aicill. Toutefois cet ancien usage était probablement tombé en désuétude.

Le livre de sir H. Maine apporte, on le voit, un précieux contingent de faits nouveaux à l’histoire du droit comparé, et ces faits sont toujours expliqués et éclairés par des exemples empruntés aux lois romaines, germaniques et Scandinaves et surtout aux coutumes de l’Inde. Nulle part on ne saisit mieux la filiation des idées juridiques et le développement du droit archaïque. C’est une véritable histoire de la civilisation dans les sociétés primitives. On doit sans doute une grande reconnaissance aux savans qui ont rétabli et traduit le texte difficile et souvent obscur des Brehon Laws ; mais ces traités offrent un amas si confus de règles et de commentaires peu intelligibles, que c’est évidemment à sir H. Maine qu’on devra d’en comprendre la portée et d’en saisir l’importance.


EMILE DE LAVELEYE.

  1. Voici ce passage si important de saint Jérôme : Scotorum natio uxores proprias non habet, sed ut cuique libitum fuerit pecudum more lasciviunt… Ipse adolescentulus vidi Atticottos, gentem britannicam, humanis vesci carnibus.