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habituelle de la rivière. Dans le haut, c’est un torrent avec 7 mètres de pente moyenne par kilomètre et des crues qui centuplent le débit d’étiage. Au milieu, l’effet des hautes eaux s’aggrave par cette circonstance que le lit est fort encaissé ; elles atteignent quelquefois une hauteur de 10 à 15 mètres. Dans le bas, la vallée s’élargit, la pente est plus douce; mais les crues sont encore formidables. Cependant le Lot arrose des départemens riches en vins, en céréales et en produits forestiers : il touche presque les mines de houille de l’Aveyron; à Capdenac, il croise des chemins de fer qui rayonnent dans tous les sens. A vrai dire, la contrée que traverse cette rivière est si fertile que l’on a songé de tout temps à y créer une bonne voie navigable. Les Anglais, maîtres du Quercy au XIIIe siècle, s’en étaient occupés. Un peu plus tard, les états provinciaux firent construire des barrages que les guerres de religion empêchèrent de terminer. Colbert donna l’ordre d’établir entre Cahors et la Garonne vingt-quatre écluses qui maintenaient les eaux à un niveau dont la batellerie de l’ancien temps se pouvait contenter. Enfin de 1835 à l’époque présente, on a dépensé sur le Lot de 16 à 17 millions sans obtenir autre chose qu’une mauvaise voie dont le trafic insignifiant décroît chaque année; le prix du fret n’y est pas inférieur aux tarifs des chemins de fer. Tel est le résultat de grosses dépenses sur un cours d’eau que la nature avait fait rebelle aux améliorations.

Ceci est l’histoire de tous les affluens de la Garonne ou de la Dordogne. Ces deux cours d’eau, de même que les rivières qu’ils reçoivent, ne s’ouvrent à la batellerie que dans la partie inférieure de leur course, lorsque, sortis des terrains primitifs, ils coulent dans les belles plaines alluvionnaires de la Guyenne, dont la fertilité est proverbiale. Les canaliser plus haut serait une entreprise onéreuse et, qui plus est, inutile, parce que les montagnes où ces cours d’eau ont leurs sources, monts d’Auvergne, Cévennes ou Pyrénées, forment presque partout une barrière infranchissable. Toutefois cette chaîne continue dont le bassin de la Garonne est entouré s’abaisse en quelques points, notamment vers l’orient; Riquet y a fait passer le canal du Midi, grâce auquel les bateaux franchissent maintenant le faîte séparatif de l’Océan et de la Méditerranée. Cette œuvre, admirable pour l’époque à laquelle elle fut conçue et exécutée, ne suffisait pas, la Garonne n’ayant elle-même qu’un mouillage trop irrégulier. Aussi prit-on, il y a quarante ans, le sage parti de creuser un canal latéral entre Castets et Toulouse. Par malheur, cette ligne d’eau continue, que quelques travaux peu coûteux suffiraient à rendre parfaite entre Bordeaux et Cette, est devenue stérile. La compagnie des chemins de fer du Midi, qui en a obtenu la