Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/862

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’observation des glaciers en activité n’est pas favorable à cette explication ; leur extrémité terminale s’avance sur le terrain qui la porte sans l’entamer, même lorsque ce terrain est meuble et se compose uniquement de cailloux roulés. Les glaciers nivellent, ils ne creusent pas : ceux des Alpes qui dans leur retrait ont laissé à nu le fond sur lequel ils s’avançaient n’ont pas creusé de cuvettes sur le terrain découvert qui est maintenant sous nos yeux. Nous voyons des surfaces aplanies, arrondies, moutonnées, mais rien qui ressemble à une excavation. Il faut donc chercher une autre explication, car celle-ci n’est point d’accord avec l’enseignement que nous puisons dans l’étude des phénomènes actuels. Peut-être ces lacs, dont la présence paraît liée à celle des anciens glaciers, reconnaissent-ils une autre origine, et je me demande si le creusement n’en serait pas dû à l’action de grandes cascades glaciaires analogues à celles, plus petites, dont les marmites de géant nous ont révélé l’existence.

Dans les pages précédentes, nous avons essayé d’énumérer rapidement les nouvelles acquisitions dont un département restreint et limité de la géologie s’est enrichi dans le court espace de huit années. Le tableau est loin d’être complet, mais il donne une idée des progrès accomplis dans une branche dont on ne soupçonnait pas même l’existence il y a quarante ans. Ce progrès incessant n’est-il pas le caractère et le criterium des sciences positives, comme l’immobilité et la reproduction incessante des mêmes faits et des mêmes argumens caractérisent celles qui ne le sont pas ?


III. — L’EXISTENCE DE L’HOMME À L’ÉPOQUE GLACIAIRE.

Parmi les questions que l’observation a éclaircies dans le cours du xixe siècle, il n’en est point qui ait excité plus de curiosité et soulevé plus de contradictions que celle de l’apparition de l’homme sur la terre. Suivant l’ancienne géologie, l’homme fossile n’existait pas et ne devait pas exister : il était, disait-on, le dernier venu sur la planète préparée pour lui, avec les animaux et les végétaux créés pour satisfaire à ses besoins. Cette doctrine n’est plus soutenable. L’homme a traversé des phases géologiques où la distribution des terres et des mers, et par conséquent le climat, la faune et la flore différaient beaucoup de ce que nous voyons aujourd’hui. L’existence préhistorique de l’homme se constate de deux manières : 1o par la découverte d’ossemens humains associés à ceux d’animaux fossiles, c’est-à-dire disparus, ou d’autres vivant encore, mais relégués dans les contrées les plus septentrionales de l’Europe et de l’Amérique, 2o par l’examen de silex, d’os, de dents ou de cornes, évidemment