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qu’il a traversé l’époque glaciaire en compagnie du renne, de l’éléphant velu, du rhinocéros laineux et de l’ours des cavernes, auxquels il faisait la chasse et dont il a reproduit les images sur des fragmens d’os ou de cornes qui sont parvenus jusqu’à nous.

En présence des progrès que la géologie glaciaire a faits dans ces dernières années, on pourrait penser que les causes de l’ancienne extension des glaciers sont mieux connues qu’elles ne l’étaient il y a huit ans. Il n’en est rien. La question n’a pas fait un pas ; loin de là, elle se complique au lieu de se simplifier. On en est à se demander quel est le climat le plus favorable à l’extension des glaciers. En effet, nous savons, grâce aux nombreux voyages entrepris dans les régions arctiques pour atteindre le pôle nord, que les climats les plus rigoureux, avec des hivers où le thermomètre descend à 50 degrés au-dessous de zéro et des étés où il s’élève à peine à 6 ou 8 degrés au-dessus, sont des plus favorables au développement des glaciers, puisque le pays en est couvert. D’un autre côté, à la Nouvelle-Zélande, les glaciers descendent dans des régions plus tempérées que celles du midi de la France, et nous avons vu qu’on a découvert près de Côme en Lombardie une ancienne moraine portant des coquilles identiques à celles qui vivent dans la Méditerranée. Ainsi donc des climats doux et humides ou des climats très froids seraient également favorables au développement des glaciers ; mais alors on est obligé de renoncer à l’idée d’une cause unique et générale, c’est-à-dire cosmique, cause de l’extension des glaciers. Cependant ce sont ces causes générales auxquelles on demandait une explication, car l’un et l’autre hémisphère terrestre ont été envahis par la glace. Partout cette extension et la fusion qui s’en est suivie sont les derniers changemens importans qui se soient opérés à la surface du globe. Que penser, que dire en présence de ces contradictions ? Se taire et attendre. Les esprits impatiens hasardent des hypothèses, solutions provisoires qui ont l’avantage de provoquer des recherches et des méditations nouvelles. On doit les accueillir avec faveur, quitte à les abandonner sans regret le jour où un seul fait bien observé en démontre la fausseté ou l’insuffisance. On le voit, l’étude des sciences d’observation est une école de patience et de réserve ; elles nous apprennent à avancer incessamment, mais lentement, dans la voie du progrès sans espoir d’atteindre jamais le but final, car, si le champ toujours limité de la connaissance s’agrandit chaque jour, celui de l’inconnu, étant infini, ne se rétrécit jamais.

Charles Martins.