Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/930

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné le curieux spectacle du travail combiné du porc découvrant la truffe, faisant le gros œuvre des fouilles, et du chien, achevant la besogne en creusant avec les ongles, prenant le tubercule dans la gueule, mais le versant fidèlement dans la main du maître en échange d’un fragment de pain.

Le chien truffier ne constitue pas une race spéciale ; on adapte diverses races à cette chasse par une éducation appropriée : ce sont tantôt des barbets, tantôt des épagneuls, tantôt des chiens-loups, des chiens de berger, toutes races intelligentes et susceptibles d’éducation. Ce dressage en vue de la chasse aux truffes comporte des procédés variés : le principal consiste à cacher une truffe dans un sabot ou dans une petite boîte percée de trous, tantôt une truffe toute seule, tantôt la truffe avec un morceau de lard, à enfouir cet appareil dans le sol, à pousser le chien à l’y découvrir en lui donnant pour récompense une friandise ou tout simplement un morceau de pain. D’autres fois on prépare le chien à goûter et rechercher la truffe en lui donnant du pain imprégné d’huile dans laquelle on a fait cuire ce champignon. C’est du reste une industrie que ce dressage de chiens : dans la Haute-Marne, où la recherche de la truffe est moins lucrative qu’en Provence, un chien truffier se vend jusqu’à 100 francs.

Rien n’est plus facile à comprendre que l’adaptation des facultés olfactives du chien à la capture d’un produit odorant. L’homme lui-même arrive parfois à mettre en jeu son odorat pour cette chasse. Un pauvre garçon infirme des environs de Wurtzburg savait, a-t-on dit, mieux que les chiens dressés découvrir les truffes au flair, et s’était fait de ce don naturel une industrie qui l’aidait à vivre. Ce fait est évidemment exceptionnel et presque pathologique. Les chercheurs de truffes de profession flairent parfois des poignées de terre de la truffière qu’ils creusent et savent y saisir le parfum caractéristique de la cryptogame ; mais, avant d’en venir à cette épreuve supplémentaire, ils sont arrivés au gîte probable de la truffe par les indices extérieurs qui font reconnaître aux initiés la place des truffières naturelles, savoir le fendillement du sol et les mouches indicatrices ; de là des pratiques diverses qui constituent la chasse à la marque, à la sonde ou à la mouche, procédés qui mettent en jeu la sagacité des rabassiers émérites, mais qui n’ont plus qu’une importance secondaire dans l’exploitation régulière des truffières.

La marque, qu’on appelle escarto (fente) en Provence, consiste dans le fendillement naturel du sol soulevé par la croissance rapide de la truffe. Le phénomène ne se produit que de loin en loin et pour les truffes les plus voisines du sol, qui sont d’habitude les plus précoces. La sonde ou baguette, broco dans l’idiome provençal, est un bâtonnet mince et raide qu’on enfonce avec précaution dans