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fortes, l’épuisement était d’autant moins avancé que la dilatation du gaz était plus considérable. Il s’ensuit que dans une atmosphère raréfiée l’animal meurt entouré d’une quantité absolue d’oxygène qui sous une pression ordinaire suffirait encore à entretenir la vie. La loi est très simple : l’oxygène cesse de suffire à la vie quand ce gaz se trouve réduit à la densité 0,04, quelle qu’en soit d’ailleurs la quantité absolue. La mort aurait donc lieu également dans une atmosphère libre où l’oxygène. n’aurait plus qu’une densité égale à 0,04, c’est-à-dire cinq fois moindre qu’au niveau de la mer, bien qu’une telle atmosphère renfermât encore une quantité illimitée du gaz vital : c’est que sous une pression si faible l’oxygène n’a plus le pouvoir de se fixer dans le sang en proportions nécessaires à la vie. Des expériences spéciales ont permis de doser les gaz du sang sous des pressions variées ; il en résulte avec certitude que l’abaissement de la pression de l’air diminue la quantité des gaz qui circulent dans le sang artériel ; mais cette influence ne se fait guère sentir que lorsque la dépression dépasse déjà un quart d’atmosphère. Ce degré de raréfaction, où la densité de l’oxygène est assez amoindrie pour avoir son écho dans le sang artériel, correspond précisément aux altitudes d’environ 2,000 mètres, où paraît commencer l’influence nuisible des hauteurs sur la santé des habit ans.

Au-dessous de 2,000 mètres en effet, le séjour des hautes stations ne paraît pas encore produire les fâcheux résultats qui s’observent à des élévations plus considérables. Aussi M. Jourdanet croit-il devoir établir une distinction essentielle entre les climats de montagne, qui correspondent aux niveaux inférieurs à 2,000 mètres, et les climats d’altitude, qui représentent les hauteurs dépassant cette limite, et qui seuls portent atteinte à la régularité des phénomènes de la respiration. C’est là qu’apparaissent les symptômes du mal de montagne sur les voyageurs qui entreprennent une ascension ; c’est là que des troubles fonctionnels plus ou moins graves altèrent le tempérament des habitans. Beaucoup de voyageurs célèbres ont émis l’opinion que le mal de montagne n’atteint plus l’organisme acclimaté sur les hauteurs ; mais une étude attentive ne tarde pas à démontrer que les troubles sérieux auxquels les voyageurs sont sujets en arrivant sur les sommets s’observent encore, à des degrés amoindris, chez les habitans des altitudes très élevées, comme les plateaux de l’Asie centrale ou ceux du Mexique, du Pérou, de la Bolivie[1]. A Mexico, à une hauteur d’environ 2, 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, les signes de l’action débilitante de l’air raréfié commencent déjà à se manifester clairement. La difficulté de l’acclimatation y est la même pour les animaux et pour les hommes. Les chevaux

  1. La ville de Calamarca (Bolivie) est située à une hauteur de 4,160 mètres, Potosi, à 4,060, Quito à 2, 900 mètres. Leh, la capitale de Ladak, a une altitude de 3,500 mètres ; on trouve encore dans le Tibet des villages à des hauteurs de près de 5,000 mètres.