réduit à de vagues projets d’évasion du détenu Allain, qui aurait proposé à Coquery 9,000 livres « pour scier un barreau d’une fenêtre du corridor du premier donnant sur la terrasse. » Le reste consiste en propos entendus derrière les portes par Manini ou recueillis par Coquery pendant qu’il servait le repas des prisonniers. On y aurait dit par exemple ou que « Robespierre n’était pas juste, » ou bien même « que Robespierre était un scélérat, » ou bien encore que « tous les détenus seraient guillotinés, » sur quoi Faro indigné répond que « ceux qui n’avaient aucun reproche à se faire pouvaient être sans inquiétude. » L’interrogatoire du citoyen Allain, simple instituteur, révèle un caractère et de l’esprit. On lui demande « quel est le citoyen auguste duquel il s’informe souvent dans ses lettres, » il répond « que c’est son frère, et qu’il s’appelle Auguste. » — On lui demande « quelles sont ses opinions sur Robespierre. » Il répond « qu’on n’a point d’opinion en prison. »
Tel fut au demeurant le point de départ bien modeste de l’affaire. Dès le lendemain, 24 messidor, les administrateurs de police firent leur rapport au comité de sûreté générale sur le nommé Allain et ses trois complices, « accusés d’avoir tenu des propos infâmes contre les représentans fidèles à la cause du peuple, d’avoir cherché à semer l’alarme dans la prison et d’avoir offert 9,000 livres à l’un des dénonciateurs pour favoriser un projet d’évasion. » Le comité de sûreté générale en référa au comité de salut public, qui enjoignit à la commission de police de faire toutes les recherches nécessaires à Saint-Lazare afin de découvrir les autres conspirateurs, en d’autres termes de rattacher à ce petit groupe des quatre accusés tous les modérés et aristocrates de la prison, et d’en finir avec eux en dressant des tables de proscription. Aussitôt Lanne, l’adjoint d’Herman, se rend à Saint-Lazare, où il revient plusieurs jours de suite ; il y fait consciencieusement la besogne qui lui a été demandée, en collaboration avec le greffier Ridon, les dénonciateurs Manini, Coquery, à qui s’étaient adjoints deux réfugiés belges, Jaubert et Robinet, et enfin le concierge Verney, qui l’aidait dans cette tâche[1]. Herman, le président de la commission de police, venait de temps en temps assister aux séances et presser les opérations, ajouter des noms aux listes. C’est même par son ordre exprès qu’un
- ↑ Ce fut l’occasion d’un trafic abominable et d’un marchandage sans pudeur. Il y eut entre les délateurs et certains détenus comme une enchère secrète de grâces. On raconte que la duchesse de Fleury, la jeune captive du poète, et Montrond obtinrent d’être effacés moyennant une somme de cent louis ; une bouteille d’eau-de-vie, offerte à propos à Robinet, sauva le comédien Joly. Les nommés Duroure, Martin, Poissonnier père, Delmas, Duparc, Logaie, Pardailhan, Glatigny, Hassolay et sa fille, furent mis à contribution, et c’est par le même moyen que Millin échappa à l’échafaud.