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voyageurs, ni au mouvement des troupes, concentré d’ailleurs sur un point seulement. Enfin le relevé du commerce entre la France et l’Espagne, d’après nos propres documens, donne la preuve d’un progrès constant. En 1869, le total était de 281 millions ; en 1873, il s’élève à 356.

Si donc on manque de données tout à fait précises pour expliquer avec détails comment ni le commerce, ni l’industrie, n’ont souffert de l’état actuel de l’Espagne, ni l’agriculture elle-même autrement que par les vicissitudes naturelles des bonnes et des mauvaises récoltes, il ressort néanmoins de l’ensemble des faits qu’une recrudescence paraît d’autant plus vraisemblable, le calme revenu, que les troubles préexistans ont produit des effets moins regrettables. Nous ne craignons pas à cet égard de passer pour mauvais prophète en prédisant à l’Espagne un mouvement d’explosion comparable à celui que nous avons constaté chez nous-mêmes, soit en 1852, soit en 1872. Que la question financière soit réglée de manière à ne pas compromettre le crédit de l’état, que le réseau des chemins de fer soit remanié d’abord et complété ensuite, que le gouvernement du jeune roi Alphonse se consolide par l’adhésion des chefs dont les partis se plaisent à écouter la voix, que le patriotisme dicte à M. Castelar par exemple la louable conduite qu’il a inspirée à M. Sagasta, au duc de la Victoire, à son intrépide adversaire Cabrera, et l’Espagne retrouvera une ère de prospérité et d’apaisement intérieur dont aucune des autres nations européennes ne présenterait un plus consolant tableau. Elle le devrait d’abord à un grand effort de probité politique, à un sentiment de moralité, de patriotisme, de concorde civique dont ces nobles populations de la Navarre, de l’Aragon, de la Castille, de l’Andalousie, sont bien propres à recevoir et à suivre les leçons ; dans une sphère d’idées moins hautes, il faudrait aussi en faire honneur au simple progrès de la consommation. La consommation se présente non-seulement comme la cause du progrès des richesses privées et du revenu public, c’est encore le mobile le plus puissant de l’économie, de la prévoyance, de l’ordre sous toutes les formes, et l’on peut ainsi justifier la sympathie avec laquelle en est prévue et désirée l’expansion partout et pour tous.


Bailleux de Marisy.