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rencontrer M. Thiers d’abord, puis maintenant M. le maréchal de Mac-Mahon, M. Buffet, M. Dulaure, M. le duc Decazes, M. le duc d’Audiffret-Pasquier, et tous les hommes sensés, modérés, dont l’alliance, après avoir contribué au succès du 25 février, reste une garantie. Elle existe aujourd’hui, cette république, à la faveur d’un ensemble de circonstances exceptionnelles, elle a passé par un certain nombre d’épreuves, elle a fini par prendre la consistance d’un régime légal et défini ; mais, il ne faut pas s’y tromper, elle ne peut vivre et s’affermir qu’en s’organisant et en se fortifiant par une vigilance incessante, en rassurant tous les intérêts, en devenant l’énergique instrument de la régénération de la France, en se créant des traditions de gouvernement, en montrant à l’Europe qu’on peut traiter avec elle, en toute sûreté. Elle n’a vécu jusqu’ici que parce qu’elle a gardé le caractère et les dehors d’un régime régulier, parce qu’elle est restée la république de tout le monde au lieu d’être la république des républicains, parce qu’elle a maintenu imperturbablement l’ordre et la paix : c’est ce qu’il s’agit de continuer par le vote des dernières lois qui doivent compléter l’organisation constitutionnelle, par la préparation prudente des élections générales ; de ces élections, qui doivent être une sorte d’acclimatation légale et définitive des institutions nouvelles, une garantie pour le pays, non une victoire de parti.

L’ordre intérieur et la paix extérieure, c’est la double et invariable condition qui s’impose aujourd’hui à la France ; c’est tout ce qu’elle désire, et les étrangers se trompent autant lorsqu’ils découvrent partout des impatiences de revanche, des préparatifs de guerre, que lorsqu’ils croient voir dans le moindre incident de nos affaires parlementaires le signe de prochaines convulsions. La France peut avoir des difficultés, elle est en mesure de les dénouer, ou de les surmonter ; elle n’est point heureusement à la merci des excitations de partis, et quatre ans de sagesse devaient montrer que notre pays sait rester maître de lui-même, qu’un gouvernement peut faire, ce qu’il veut lorsqu’il s’inspire de l’intérêt national.

La démonstration est d’autant plus éloquente que ces quatre années n’ont point été certainement exemptes de complications et de dangers. Les passions religieuses, les intempérances de parti, les menaces de restauration absolutiste et cléricale, nous ont fait par instans une situation à coup sûr délicate vis-à-vis de l’Italie. Est-ce que ces passions, et ces agitations ont eu le pouvoir de détourner ou d’entraîner notre politique ? Est-ce que le gouvernement, après comme avant le 24 mai, n’a pas été le premier à sentir la nécessité d’écarter tout ce qui pouvait être un sujet d’ombrage ? Est-ce qu’il n’a pas mis tout son zèle à rétablir l’intimité et la cordialité dans les rapports des deux pays ? Il y a réussi par une prudence qui ne pouvait rien coûter à notre dignité, parce qu’elle ne faisait que reconnaître l’accord intime des intérêts de la France et